jeudi 26 novembre 2009

In the rain

Interlude

Les mails urgents s’accumulent dans ma boite, sur le bureau une pile de notes de frais à viser, des présentations à valider, un planning à définir…je n’ai d’appétence en rien. J’écris tous les jours dans ma tête des pages et des pages de ce blog, vous ne les lirez jamais, au mieux quelques échardes coincées entre mes doigts s’épancheront en numériques. Je passerais bien mes textes dans un décodeur hexadécimal pour voir s’ils se codent avec plus de 0 que de 1. Cela serait un juste reflet, le miroir ASCII de ma vie. Le lecteur mettrait ma mémoire dans le logiciel et naviguerait d’offset en offset sur les épisodes ayant quelques intérêts. Vous seriez assis dans votre canapé, un verre à la main et un bol de pop corn sur les genoux pour regarder la diffusion du jour sans coupure pub, la vie dissolue d’un être inconstant. Mes amis, acteurs malgré eux, aurait pu voir les coulisses des événements qu’ils ont vécus, mes anciennes muses auraient vu a travers mes yeux toute la tendresse maladroite et sincère des mes actes manqués. Peut être auriez vous compris ce que mes mots ne pourront jamais transcrire, faute de talent. Mais comment décrire des odeurs, comment décrire le frisson du dernier baiser que l’on pose avant de partir à jamais, comment décrire le cœur sur le point d’exploser trop plein de peine, d’angoisse, comment décrire la perdition d’une âme, comment décrire l’amour.
Dans le film ‘Under the Cherry Moon’ de/avec Prince, sa conquête lui pose sans cesse la même question ‘Do you love me ?’ et sans cesse il a la même réponse ‘Define love’…Define love, c’est un peu l’objet de ce blog, un objet d’une ambition insensé, donner une couleur à l’invisible.

Dès le début de ce blog j’ai averti que la linéarité des événements ne serait pas possible, que nous allions jongler d’une archive de ma vie à une autre, puis revenir. Suivant cette absence de logique chronologique, je quitte un moment l’histoire de Valérie (nous y reviendrons miss, nous y reviendrons), pour vous raconter autre chose.

Un jour de pluie

J’étais à Bucarest. Je venais d’arriver dans la ville en ce dimanche pluvieux. Mon hôtel était situé un peu loin du centre et bien qu’ayant tenté une longue balade à pied pour me rendre sur les axes principaux, j’en étais encore loin. Ma carte de la ville était trempée, je ne savais pas plus trop où j’étais. Je me mis à un arrêt de bus et commençait à discuter avec une vieille roumaine qui parlait français. Souvent ce genre de chose m’arrive, je me retrouve au milieu de nulle part et je tape la discute avec des gens qui se demandent ce que je fais la. Je dois avoir la tète d’un type qui n’est pas du coin mais qui est super sympa, car les gens viennent systématiquement vers moi. Elle avait un peu de mal en français car elle ne pratiquait pas depuis longtemps mais elle comprenait assez bien, je lui proposais de l’avancer en taxi au centre ville si elle négociait le prix et indiquait au chauffeur où aller.
Je me retrouvais sur Piata Victoriei, nexus des boulevards majeurs et pouvait découvrir la ville. Au bout de deux heures de marche, totalement affamé, épuisé et à nouveau perdu je cherchais un lieu de restauration quand l’averse se fut plus violente. Je rentrais dans un café de type Coffee House comme on en trouve en Russie, non loin du palais monstrueux de l’ancien dictateur local.

J’étais trempé, je me fis comprendre plus ou moins par le serveur et allait me sécher au toilettes. Dans le couloir menant aux toilettes, je tombais face à une jeune blonde. Je tentais de passer par la droite, elle tentait de même de son cote, je changeais, elle aussi, on se mit à rire. Je m’écartais et la laissait passer. Je me séchais les cheveux, essuyait mes lunettes et retournais voir le serveur. Je prenais un grand capuccino et un énorme muffin au chocolat et m’assied sur la table contre le mur. Au bout de dix minutes, j’étais congelé, la table était collée contre une bouche d’aération qui envoyait de l’air froid sur mes jambes. Je me retournais et voyait le canapé libre. Je m’y installais. La fille blonde arriva, un peu gênée. Elle me dit une phrase en roumain et je lui rendis un sourire niais en réponse. Elle se mit à rire.
- I…was…in toilet…
- Hum….again ?

Elle riait.
- This…my place
- Oh…sorry, thought it was free
- Ok ok stay…big place…me here

Elle me montrait du doigt l’autre extrémité du canapé. Je ne comprenais pas trop alors je me levais pour aller de l’autre coté du canapé et lui rendre sa place. Elle me stoppa d’une main sur ma poitrine.
- No…me here
Je suis un peu réfractaire aux contacts physiques entre non-intimes, et sa main sur ma poitrine était comme une violation de mon espace personnel. Je regardais sa main, elle le remarqua.
- Ah…sorry…sorry
- No it’s me, bad reflex…I’m just...
- Sorry …
Elle retirait sa main
Je lui repris la main. Elle se mit à rougir et baissa la tête dans sa longue chevelure blonde. Je ne voyais plus son visage
- Now, I feel terrible lui dis-je
- You…funny !
Je me mis à rire, m’écartant pour qu’elle puisse s’asseoir. Elle ne disait plus un mot, moi non plus. Je mangeais mon muffin. Notre regard se croisait de temps à autre, furtivement, on se souriait. Et puis elle se leva à nouveau pour aller aux toilettes.
- Again ?!!!!!
Elle était toute rouge, je remarquais pour la première fois ses yeux verts. Elle laissa échapper une onomatopée ou peut être un mot dans sa langue auquel je répondis par un OK ! Elle me regarda fixement pendant 20s, je ne savais pas trop quoi faire, je la regardais aussi.
- What…you …do…here ?
Et par cette simple phrase débuta une conversation qui dura plus d’une heure, pleine de sourires, ouverte sur les choses de la vie avec une candeur infinie…Je regardais ses mains dessiner des cercles dans le vide quand elle cherchait ses mots, ses joues remonter quand je la taquinais, je regardais son visage parfait peindre en encre psychédélique des papillons dans l’air quand je tentais de dire son prénom d’origine slovaque: Kwetuzka. Je me sentais comme ivre d’elle.
Elle regarda son portable. Et me pris la main.
- We go…
- Where ?
- …Walk
- It’s raining !
- …We go…

Je n’avais pas trop le choix. Je la suivais dans la rue sous la bruine. On marchait sans rien dire, elle me tenait toujours la main. On faisait le tour de l’immense bâtisse de Ceausescu. Et à la lumière d’un lampadaire, elle s’arrêta et me serra contre elle, tête sur mon épaule. On resta la un temps qui me sembla être une éternité. Je fermais les yeux dans ce no man's land temporel.
Quand je les ouvris, elle apposait sur ma joue un baiser et entrait dans un taxi. Je ne l’ai jamais revu, nous n'avons pas échangés nos numéros.

Je n’eut pas le temps d’y penser, mes journées de travail étaient longues, je pris l’avion deux jours plus tard, rentrait chez moi me changer et partait en séminaire en campagne.
Dans ma voiture, au retour du seminaire, je commençais à me poser des questions.
Est-ce que j’aurais franchit le cap si elle était resté plus longtemps avec moi ? Est-ce que seulement j’aurais voulu poser mes lèvres contre les siennes pour savoir ce que cela faisait ? Est-ce que ma vie sentimentale partait en vrille? Étais-je encore amoureux de la fille qui partageait ma vie ? Est-ce que je n’étais pas un amoureux de l’amour ? Un cœur d’adolescente acnéique battait-il sous ma poitrine ?

Je suis entré chez moi, Emmanuelle dormait sur le canapé, il était 20h. Je la regardais un moment sans rien dire, puis je la réveillais. Je voulais lui dire combien je tenais à elle, je voulais lui raconter cette histoire. Elle s’est levé la tête embuée, m’a regardé et sa première phrase fut a propos de moisissures dans la chambre, puis elle enchaina sur un mal de ventre, puis sur autre chose. J’étais à genoux a coté d’elle assise en boule sur le canapé. Je la regardais sans rien dire, je n’écoutais pas vraiment ce qu’elle disait. Elle me posa une question, je répondis oui, machinalement. Elle se leva et partit aux toilettes.
Je me retrouvais seul, assis dans la pénombre. Je ne pouvais pas lui parler. J’avais envie de hurler, la réponse a toutes les questions que je me posais plus tôt sur la route était ce simple oui que je venais de murmurer. Je me sentais mal, je n’avais rien fait mais cet instant avait comme déclenché un raz de marée en moi car l’espace d’un instant je m’étais senti en vie. En vie ! Je ne savais même pas que j’étais comme mort, je ne savais pas que notre histoire était entrain de mourir sans bruit tenue sous respiration artificielle par nos sentiments encore si forts mais si vains face au quotidien. Je ne pouvais pas lui parler, et ce simple fait était comme une grenade dans notre lit. Est-ce une utopie de vouloir partager toutes ses pensées, toutes les moments que l’on vit, en bien ou en mal avec la personne qui nous accompagne ? Est-ce que nous pouvons encore vivre ensemble sans se parler, sans évoquer nos doutes et nos blessures ? Trop souvent les relations se construisent sur la négation du moi d’un des deux partenaires, il s’efface par amour car l’autre a besoin de place et quand cet autre prends toute la place que reste-il ? Si je te parle tu ne dormiras plus, si je ne te parle pas je ne dormirais plus, quel jeu futile. Ne devions nous pas être UN ? Pourquoi ne me connais tu pas apres tout ce temps?

Ce soir la, j’ai pris la décision de sauver notre vie, je n’ai pas réussi mais cela est une autre histoire.

mardi 1 septembre 2009

Love as a coin flip, Part II

Nous étions à l’Antares, Chris et moi, une boite de nuit du coté de Meaux.
Nous étions arrivés tôt pour être surs de rentrer et petit à petit j’avais observé le bal des débutantes sur fond de parades nuptiales des paons autour. Tout ce petit monde qui jouait à se rapprocher, s’éloigner, se toucher, s’écarter, s’éviter, se lier, le tout comme des fourmis dans un reportage animalier. Semblant déambuler sans véritable but et pourtant œuvrant pour une cause commune, la survie de l’espèce. Car tout cela n’est rien d’autre qu’un trou d’insectes évolués qui apprennent les codes rudimentaires des relations humaines. Puis l’insecte mue en mammifère, car bien souvent les males tournent autour d’une seule femelle, éructants, narines ouvertes et torses bombés. Ils forment un cercle pour empêcher la fuite de la proie, attendent l’angle mort pour s’approcher et la saisir par les hanches comme pour lui intimer le futur accouplement. Elle se débat souvent, tournant la tète, écartant les bras, le male n’est pas dominant, c’est la femelle qui choisi, toujours. Elle filtre les phéromones. Et puis, il y en a une qui se laisse faire, lascive, elle colle son postérieur sur son male, et ondoie. Il suit ses vibrations corporelles, mimer ses mouvements en résonnance de leurs âmes, je suis ton double semble écrire leurs corps dans l’espace, le rythme de nos cœurs se cale sur celui qui ne fait pas de fausse note dans notre mélodie. Elle se retourne mais déjà ils savent, il doit raccourcir la distance, l’enivrer de son parfum car c’est a cet instant que son odeur est la plus corrosive, l’heure ou la différence se fait, avant que le balancier des poitrines n’agisse plus en pendule d’hypnotiseur, que le charme s’estompe et laisse place au réel. Il doit porter l’estocade. Il ne doit pas parler mais presque tous font l’erreur, les cognitifs qui s’ignorent veulent conclure par la voix, ceux qui ont l’instinct animal dévorent leur proie sans un mot à cet instant la, car qu’elle le veuille ou non sa tète n’a pas fait la connexion, son corps agira seul comme par magie…nous ne sommes rien de plus que des animaux. Des animaux évolués. Et ceux qui ont fait le choix d’utiliser leurs mots ont par cela reconnectés le cerveau de leur victime, ils n’ont plus qu’à faire confiance en leurs odds, cela n’est plus qu’une histoire de pile ou face.

J’ai passé tant de temps à écumer les boites de nuit de la région parisienne que je connais les codes comme un pianiste le solfège, ce n’est pas cette connaissance qui lui permet d’être bon mais elle lui trace la route. Et je me suis rendu compte que bien que je n’utilise jamais cette faculté, je savais avec une marge d’erreur maximale de 10%, en entrant dans une pièce au bout de 15mn qui était disponible, qui finirait avec qui, qui finirait avec n’importe qui, qui craquerait sans le savoir a la deuxième ou troisième tentative, défenses usées par l’érosion due aux attaques nuptiales, qui était triste, qui trichait,…Parfois je m’amusais a rêver que j’étais Dieu sur son nuage, contemplant les hommes qui pensaient jouer de leur libre arbitre, quelle mascarade ! A peine posent-ils le pied sur la piste que les jeux sont faits. Des pantins, nous ne sommes que des pantins évolués. Nos fils se croisent et se délient, nous font bouger la tète et les membres, des semblants de conversation fusent du bout de nos lèvres desséchés que seul le baiser de l’autre peut hydrater. Et la beauté de tout ca ? La beauté de cet insecte-animal-pantin qu’est le genre humain ? Il s’accroche a sa liberté de mouvement, se débat pour être surprenant, se hisse sur le fil porteur pour le couper et hurler au marionnettiste « je suis », il fonce dans le troupeau pour courtiser d’autres femelles voire d’autres males, se relève après ses échecs, s’enfuie de la fourmilière…Nous aspirons tant à notre liberté, nous aspirons tant a ne pas la vivre seuls, nous aspirons tant a être uniques, nous aspirons tant trouver notre miroir, cette maudite âme sœur, nous ne sommes que contradiction et par cela… Par cela, nous « sommes ».

Nous étions à l’Antares, Chris et moi. Il devait être deux heures du matin, je regardais du balcon les jeux de l’amour et du hasard sur la piste, tout ce marivaudage adolescent. Une main me pressa la fesse droite, je me retournais. C’était Valérie.
- Bonsoir TOI
- Wow ! Qu’est-ce que tu fais la ?
- La ? La, je te plote ton joli petit cul.

Sa main était toujours sur ma fesse droite. Elle me faisait un énorme sourire. Nous n’étions plus ensemble depuis quelques temps, je ne l’avais pas vue depuis presque qu’un mois mais on s’appelait souvent.
- Tu es sacrement loin de chez toi !
- Tu peux parler toi ! Monsieur je fais des kilomètres pour ne pas croiser des gens que je connais
-Arrête ! Je ne te fuis pas…
- De toutes les façons tu ne peux pas t’enfuir de moi, tu m’as pour la vie sur le dos

J’avais envie de la prendre dans mes bras, de lui dire qu’elle était folle et que sa folie me rendait fou mais cela ne servait a rien. Elle l’avait déjà compris, elle me prit la main.
Le monde me fatiguait, je connaissais le début de tout, la fin de tout. Je regardais un film et je désespérais de me sentir si désintéressé par sa trame, je désertais mes cours car tout était écris dans le bouquin, je déprimais d’une vie ou rien de neuf ne pouvait m’arriver. Je me languissais de chaos quand tout était en ordre et savait trop facilement rétablir l’ordre dans le chaos. J’étais en pleine introspection existencielle, mais elle, elle était impossible à prévoir. Elle était comme un anachronisme dans le scénario parfais de ma vie, comme une pierre dans la chaussure qu’on ne retire pas car la douleur qu’elle inflige nous rappelle qu’on ressent quelque chose, nous rappelle qu’on vit. Elle était la, a des kilomètres de chez elle, pour moi, ne sachant pas si j’y serais, comme si elle avait encore lancé une pièce de cinq Francs et m’avait encore gagné.

Et pourtant, quelques mois plus tôt.

La piste métallique circulaire du Kio tournait lentement au rythme des tubes du moment, un Cap’ Hollywood ou un Doc Alban, j’étais sur un canapé avec Valérie. Avachi par cette musique de masse. Il ne se passait rien, tout allait bien entre nous, elle était juste calmement collée sur mon bras. Il était trois heures du matin et DJ Boris coupa en plein milieu du morceau « All that she wants » et nous infligea un quart d’heure de slow. Je pris ma compagne par la main et avançait vers la piste, Toni Braxton criait son amour secret pour moi (mais ca, je suis le seul à le savoir) et nous faisions de petits cercles imparfaits sur la piste. Le DJ toujours aussi mauvais rata la transition vers le morceau suivant, les Boyz II Men en duo avec Mariah Carey, j’aimais beaucoup la mélodie. Tout était bien, tout était parfait. J’approchais mes lèvres de l’oreille de Valérie et lui dit :
- C’est notre dernier slow
- Quoi ?
- J’ai envie de finir sur celui la, comme ca tout est beau jusqu'à la fin, on ne garde que des beaux souvenirs
- C’est une blague ? T’es fou ?
- Non, je veux vraiment finir sur cet instant, c’est parfait
- Non mais t’es sérieux ! Qu’est ce qui se passe ? Qu’est ce que j’ai fait ?
- Rien…justement, on ne garde que de bons souvenirs, on évite tout ce qui rendra notre histoire comme celle des autres, un ramassis de photos jaunies par les larmes et le ressentiment… tu resteras a jamais comme…
- Arrête ! t’es débile…
- Non crois moi c’est mieux
- Putain mais t’es sérieux !!
Elle s’éloigna, je tentais de l’attraper par le bras, elle m’écarta et parti…fin du slow

Nous étions donc à l’Antares, Chris, Valérie et moi.
J’étais le chauffeur de Chris, elle nous invita à dormir chez elle. Chris dormis dans le salon, moi dans la chambre, une des nuits les plus sensuelles de mon existence, mains sur la bouche de Valérie pour éteindre ses cris. Elle nous réveilla vers midi avec les croissants à peine sortis du four de la boulangerie de ses parents. Et dans la voiture, sur le chemin du retour, Chris me dit :
- J’ai dormi comme une masse j’étais défoncé
Je ne sais pas si il me dit cela par pudeur pour me rassurer, m’indiquer de ne pas être gêné par ma nuit ou si c’était vrai.
- Pas moi, je viens juste de compliquer ma vie. Elle a quelqu’un…
- C’est mort pour lui! Je suis content quand je vous vois ensemble. Tout est bien.
- Quoi ?
- Je suis content pour toi.

Chris m’a toujours surpris par sa candeur. Parfois j’avais l’impression d’être avec un gamin totalement fleur bleu, d’un romantisme de série pour adolescente acnéique, mais c’est aussi pour cela que je l’adorais. Sa candeur faisait contre poids à la noirceur de ma vision du monde, a mon pessimisme sur les relations humaines. Il était l’optimiste que je ne pouvais pas être, la personne qui faisait confiance aux autres quand moi je n’étais que défiance et mépris, il était ma part d’humanité, la part en moi qui voulait encore rêver. Ce que certains comme Luc voyait comme de la naïveté chez lui était juste du positivisme poussé à l’extrême…Et si aujourd’hui nous avons grandis, si aujourd’hui la vie s’est chargé de bruler les ailes de ses élans altruistes, de raboter sa candeur, d’éroder ses illusions du monde. Il reste mon phare, la personne qui croit en moi quand même moi je n’y croit plus, un positif forcené. Je ne le remercierais jamais assez pour ça.

A cet instant dans la voiture, j’avais envie de lui dire qu’il se trompait, car je connaissais la suite. Que notre histoire était vouée a l’échec car j’avais cassé quelque chose sur cette piste de danse que rien ne pouvait recoller. Mais j’ai souris comme si je voulais y croire, sa bêtise m’avait contaminé, j’avais oublié le temps d’un trajet mes doutes.

Deux semaines plus tard, nous étions sur le parking de l’Antares, c’était mon anniversaire. Nous chantions accapella le tube de Shai ‘If I ever fall in love ‘ bouteille de champagne à la main, il y avait Daivy aussi. Et Valérie avec son nouvel ex depuis notre comeback surprise. Je regardais ce type et me dis qu’il était la raison de tout ca, sans lui, nous ne serions pas la ensemble. Il n’était qu’une pale imitation de moi, une copie défectueuse, j’avais de la peine pour lui et en même temps je voulais le détruire psychologiquement. Lui montrer, tout ce qu’il ne serait jamais. Je l’avais invité pour ca. Valérie compris et me stoppa, me demandant de ne pas être si vil et bas. J’avais déjà gagné…Ce sentiment en moi ce jour la, me révéla une partie de moi que j’avais jusque la ignorée…le coté obscur jeune Jedi, le coté obscur, prends garde…j’ignorais que Valérie allait révéler bien pire….

A SUIVRE :)

samedi 15 août 2009

Love as a coin flip, Part I

INTERLUDE: 100 jours.
Il était tard en ce soir de Juillet, je sortais du Diwan un restaurant-bar Libanais sur la rue d'Anfa à Casablanca. Un chauffeur de taxi m'approcha me proposant la course. Je déclinais en première intention et mis les écouteurs anti-bruits dans leur loge orale jusqu'à ne plus entendre ses derniers mots. Je cherchais une demi-seconde le dernier album de Joe et pressais la touche -PLAY- de l'Ipod. L'hôtel était à quelques blocs de là, je m'enfonçais dans la nuit. Au bout de quelques mètres, je croisais des filles relativement jeunes au bord du trottoir, arrêtant quelques autos pour une passe. Je baissais la tête et pressais le pas, je ne voulais pas voir leur regards quand je leur dirais non. J'avais chaud, un peu de vertiges, le ventre ballonné. Sans doute avais-je trop mangé, cet excellent homos fort en huile d'olive se mélangeait mal avec les nombreuses tasses de thé et le chicha. Je me retournais, j'avais a peine fait 600m et j'étais déjà essoufflé. Je levais le menton pour prendre un peu d'air, et la lune mi-pleine trônait au dessus de moi, totalement dégagée, si brillante qu'aucune étoile ne parasitait son entourage, et la voix entonnait un refrain: "every breath I take, I take for two". Je posait ma main sur ma jambe droite et vomis ma bile sur la chaussée. Je tremblais. Je m'assied un moment sur le bord de la route.

A ce moment là, je n'avais envie que d'une chose, poser mon visage sur une poitrine et fermer les yeux, écouter un cœur battre, sentir sa chaleur m'envahir jusqu'à ce que je veuille m'enfuir de ses bras. Je me mis à engueuler la lune, tout cela était sa faute si je me sentais si incomplet. Je pris le BlackBerry et écrivis une connerie à Anne sur sa page Facebook, j'attendais quelques minutes une réponse mais...rien, j'étais seul. Je me sentais seul au monde, je me mis à penser à Emmanuelle, la gardienne de ma raison. Chris, Dams ou Luc étaient loin, Lena était loin, ma mère était loin. Je n'avais plus de repère, le jeudi j'étais à Prague, le samedi dans un bar de Slovaquie, le mercredi à Paris et ce jeudi déjà à Casablanca, je n'avais même pas un point fixe matériel auquel me raccrocher. Épuisé, je convertissais la monnaie de couronnes tchèques en dirhams avant de payer mes notes, je répondais en anglais aux types qui me parlaient en français, chaque sourire qui m'étaient dirigés était comme une agression. Ils en voulaient tous à mon argent, chacun avait son argument et me vendait quelque chose, un service, une course, un massage, de la drogue, un repas, du sexe, à boire...Stoooooooop, arrêtez, je vous en supplie mon crane explose! La journée, j'avais répondu aux questions de mes étudiants auditeurs, j'avais fait mon commercial Jedi à l'associé local, et tous leurs faux sourires étaient le reflet du mien, c'était le jeu et je suis le meilleur dans ma partie. Mais le soir, quand le décors s'effaçait, quand le verbe pouvait être vrai, la seule chose que j'espérais, la seule chose que je désirais était que quelqu'un me demande sincèrement si j'allais bien.... Et non, je n'allais pas bien. J'étais assis frissonnant sur un trottoir crade au bord de la route contemplant mon vomi à la lueur d'un astre pale.

Je me levais, rigolant franchement de ma soudaine déchéance et tendit le bras. Un taxi s'arrêta.
- Je vais au Business Hôtel, je te donne 300dh pas un de plus et si tu me saoule je te démonte toi et ta caisse de merde !
- Mais...
- Vas y j'suis malade, me saoule pas j't'ai dit !! je secouais son siège passager...
- Business Hôtel, tout de suite...
3mn plus tard, j'étais devant mon hôtel et lui donnait 500dh en m'excusant. Le portier m'ouvrit la porte et me dit « Bonsoir Monsieur, comment allez vous? ». Je répondis en hochant la tête, et dans l'ascenseur, un larme coula sans que je puisse la retenir. Je pris mon laptop et tenta de me connecter au wifi fantôme de l'étage, mais rien. Je me mis a regarder un épisode de 'Life on Mars US', je me sentais comme le personnage principal...piégé dans un autre monde. Je n'avais pas envie de dormir, je lavais ma face blafarde à l'eau froide et fut pris d'un fou-rire en pensant que je pouvais prétendre sans difficulté à un rôle dans la suite de 'Twilight'. Je descendis, réveilla le portier et une fois dans la rue demandai au taxi de me conduire sur la corniche.

La corniche de Casa est coté plage colonisée par des hôteliers et des restaurateurs et coté terre par des clubs lounges, bars ou boite de nuit qui sont tous accessoirement des repères à putes. Bref, d'un cote les femmes qui profitent, de l'autre celle dont on profite, le tout séparé par une rue a sens unique bondée de taxis. Je me mis face à la mer, les pieds dans le vide. Et réfléchissant sur ma vie, je pris la résolution secrète des 100jours, sans pour autant savoir quand j'allais débuter sa mise en œuvre. Je me sentais mieux, l'air frais de la baie avait éteint les feux qui me consumaient.

Résolution des 100 jours, vendredi 14 Aout, 25 jours sont passés...rien n'a changé et pourtant tout est entrain de changer, le jeu commence à peine.

L'AMOUR A PILE OU FACE

Le long de notre vie, nous avons des relations humaines, certains plus que d’autres, certaines plus importantes que d’autres. Des relations de contact, d’échange commercial, de camaraderie, d’amitié, de travail, sportives, de loisirs, aux hasards de la vie, etc. Certains sont plus doués que les autres pour gérer certains types de relation, mais en général, il y a toujours un mode de communication qui nous convient et ce même si les choses évoluent vers une pluralité des concordances ou vers une prise de conscience tardive. Certaines personnes sont douée pour aller vers les autres, elle sont dé-inhibées, elles nagent naturellement parmi les phrases, se fondent dans la masse et désarment par le naturel de leur décontraction, leur chaleur. D’autres sont plus refermés, plus introvertis, passifs ; il suivent le courant non par timidité, mais par pudeur, par respect envers les autres. Souvent on ne sent leur chaleur que lorsque l’on est collé à eux. Certains oscillent au gré des événements entre les eux extrêmes, plus caméléons, peut être prennent ils le temps d’analyser la situation avant de se livrer, ou peut être qu’ils se taisent parce qu’il ne savent pas mentir. Je suis né du feu (ma mère) et de la glace (mon père) et constamment, je me suis retrouvé bloqué, me demandant quel comportement adopter, que choisir. Et le temps de me décider, le temps était passé, j’avais raté l’instant. Bien souvent ce mauvais timing a été assimilé a une attitude glaciale, de la réserve, et beaucoup se sont brulés en s’approchant trop tranquilles. Les gens se demandaient si je ressentais finalement quelque chose dans les épisodes tumultueux de ma vie, ce que je pouvais bien penser et puis quand ils fermaient les yeux en proie à la douleur, à la peine j’étais celui qui se tenait au dessus de leurs corps recroquevillés. Je parais mais ne suis pas ce que je parais, cette phrase de Iago dans le Othello de Shakespeare me sied parfaitement.

J’étais assis sur son canapé et vraiment je ne sais pas ce que je foutais la. Je n’avais aucune arrière pensée, j’étais juste passé discuter avec elle, passer un peu de temps avec quelqu’un que j’estimais différent. On se connaissait à peine, en fait on ne se connaissait pas vraiment. J'étais curieux, elle était comme un ovni dans mon monde et moi comme un extraterrestre dans le sien. Il faut croire que déjà nous nous complétions, véhicule et passager. Je m'étais garé devant le portail de sa maison, elle avait ouvert la grille. Puis la suivant dans l’escalier montant a son appartement, je n'avais regardé que ses chevilles car j’avais trop peur qu’elle se retourne me me voie fixer son cul. Nous traversions le couloir, la porte de droite était entrouverte, elle menait vers la la salle de bain, les perles de buée sur le miroir et le parfum de shampoing qui émanaient d’elle me confirmait qu’elle venait de se préparer. Les gens font souvent peu de cas de ce type de détails et pourtant par cela je savais que ma venue n'était pas juste un insert dans son emploi du temps, elle s'était organisée autour de ma venue, j'étais l’emploi du temps. Nous avons parlés, de son boulot, de musique, de la vie, de ma philosophie de la vie. Philosophie de la vie....quelle farce! Je n'étais qu'un gamin et elle, c'était une femme. Elle avait déjà été marié, divorcé, mère, amante et notre simple écart de six années semblait être un écart d'une vie. J'étais étudiant, ignorant, caustique et prétentieux. Mais elle avait remarqué que je savais écouter, que je ne trichais pas, que j'observais en silence et que je voyais les détails quand tous se contentaient de l'image d'ensemble, que je voulais toujours savoir comment se construisait les événements de la vie comme un gamin démontant un jouet pour voir comment il fonctionne. On se chamaillait sur le DJ du Beverly Hills, son petit ami, sur l'importance du sexe dans une relation, sur l'importance des sentiments dans le sexe. Je me souviens qu'un de nos sujet de discussion fut sur le timing dans la vie, saisir la chance quand elle se présente. Et puis on parla de notre première rencontre.

Deux mois auparavant.
J'étais devant le Beverly Hills avec Christophe et Hervé son pote de vélo. C'était la seule boite de nuit dans la région qui passait autre chose que de la techno, une folie. Une salle funk-eighties et une salle newjack-happy house. Le Graal pour nous. Nous avions faits le trajet depuis Grigny-Draveil dans le 91 en passant par Vert-StDenis pour entrer en terre sacrée dans le fond du trou du cul du monde du 77 entre les vaches et les champs de blé, tout ça pour enfin passer une soirée de rêve. Hervé empestait le parfum de chez ATAC et avait fermé sa chemise à la MN8, Chris avait mis du gel qui lui donnait un air à la Johnnie Deep dans Donnie Brasco et moi j'avais ma coupe Curly-waves qui me faisait ressembler a un chanteur de Milli Vanilli et des santiags (lol). 3 kékés prêts pour chauffer la piste. Et, une fois devant l'entrée...
- Messieurs, elles sont où les filles ?
- A l'intérieur
...répondis Hervé
- Non mais la ça va pas être possible, Messieurs, faut être accompagnés
- Oui mais c'est la 1ere fois qu'on vient...

Le type écarta Chris avant qu'il eu fini sa phrase pour laisser rentrer un groupe de gars.
- Eh mes eux, ils ne sont pas accompagnés...
- Des habitués...Bon Messieurs, va falloir dégager l'entrée
- Attendez, on peut discuter

Le type fit un sourire a une fille qui rentrait. Et ajouta.
- Non c'est non. OK ?
Personne ne parla dans la Patmobile, jusqu'à notre arrivée au Kio, de l'autre coté du 77 après Fontainebleau. On entra dans la boite sans dire un mot, sans jeter un regards vers les types qui devant la porte essayaient d'entrer en nous pointant du doigt, sans entendre les videurs leurs dire: ce sont des habitués...

Un mois auparavant
Je suis du genre tenace, et j'étais persuadé que le BH était le Graal. Je décidais donc de revoir des amies de lycée pour une sortie en boite, comme par hasard a cote du domicile de l'une d'entre elle. J'appelais Isabelle, la motivait pour ameuter ses deux acolytes Audrey (la fille du premier post de ce blog) et Mélanie tandis que moi je ramenais les miens. On se retrouvait sur le parking du BH et Mélanie me présenta la pâtissière de son village, Valérie. Avantage de la miss, le DJ était son homme, elle fit la bise aux videurs. On entrait ENFIN au paradis.
La soirée ne se déroula pas selon mes plans mais fut agréable. Bien sur, la boite était géniale par rapport a ce que l'on connaissait, bien sur Audrey était belle, bien sur Hervé becotta Isabelle sur un slow,etc. Je dansais la série slow avec Valérie (va savoir pourquoi), elle était froide et distante, je l'avais forcé a éteindre sa cigarette pour danser car je trouvais ça dérangeant et impoli. Ça l'énerva, elle me dit que Mélanie l'avait prévenu que j'étais quelqu'un de spécial et d'assez énervant... La lumière s'alluma, on prit la direction du parking. Mélanie nous invita a prendre un café chez elle avant notre longue route et vu que la langue d'Hervé était dans la bouche de la copine qui dormait chez elle. On connaissait l'endroit, j'y avais dormi quelques mois auparavant lors d'un anniversaire avec le Chris et StraubP. Valérie resta un moment avec nous et nous informa de son départ. Et la, a la surprise générale du groupe, je demandais son numéro.
- Pourquoi faire? Répondit-elle toujours si glaciale
- Ben pour retourner la-bas...comme ça on se cale quand tu y va et on te suit
L'assemblée fut soulagée et il semble que la miss aussi. Je ne comprenais même pas leur surprise au départ, tant je ne pensais qu'a aller en boite.

Quinze jours auparavant
J'appelais Valérie pour savoir si elle allait au BH. Elle était fatiguée, elle s'était embrouillée avec le DJ et n'était pas motivée, j'insistais car j'étais tout seul et je voulais sortir. Elle me demanda de passer avant chez elle, le temps qu'elle se prépare. J'arrivais en retard. Elle m'attendait adossée à la porte de sa voiture. Par terre, plusieurs mégots a moitiés finis indiquaient que la miss était furax alors je m'avançais vers elle avec un énorme sourire à la Joker.
- Je me suis perdu
- J'ai failli retourner me coucher
- J'ai failli être à l'heure
- T'as toujours une réponse...
- Non, en général j'ai des questions...

Il ne se passa rien, pour moi elle était un ticket d'entrée rien de plus.

Une semaine auparavant
- Je suis dans le coin, t'as fini de travailler
- Oui, j'allais me coucher
- Te coucher, il est 16h?
- Je travaille a 4h du matin moi !
- Bon tant pis...
- Pourquoi? Tu veux passer...
- Non, t'as ton fils tout ça...
- Non, il est chez mes parents. Passe, tu me parlera pour pas que je m'endorme...

Nous passâmes l'après midi a discuter de futilités, d'un type s'appelant Auguste qui la draguait. De son copain le DJ. De son fils, de son mariage raté, de sa vie. Nous étions devenus amis

Jour J
Cela faisait déjà quatre fois cette semaine que nous nous voyions. Ma petite amie, Marie-Hélène, était au lycée a Fontainebleau, je la raccompagnais chez elle, restait un moment puis filai voir Valérie avant de rentrer chez moi.
Ce jour la donc j'étais dans le canapé, et elle a coté de moi. Je lui fi remarquer que la première fois ou je fut sur son canapé, elle était à l'autre bout de la pièce derrière le bar de sa cuisine américaine, et la seconde fois sur le siège en face à 3 mètres... Je lui parlais d'animal enfin apprivoisé, elle n'apprécia pas
- J'aime bien quand tu t'énerves, tu as des yeux expressifs
- J'aime bien tes mains
- Mes mains?
- Oui, j'adore tes mains. Y'a des filles qui aiment les yeux, les culs,... moi c'est les mains
- J'ai de long doigts crochus !
- Tu as des mains magnifiques....
L'après midi passa. Elle m'escorta jusqu'à ma Patmobile. J'ouvris la porte.
- Je peux te poser une question?
- ..Heu...oui
- Pourquoi tu viens me voir?
- ?? Je ne savais pas qu'il fallait une raison. On s'entend bien même si on est très différents, c'est cool! ...tu es...spéciale
- C'est la première fois qu'un gars me tourne autant autour sans rien tenter
- Mais je ne cherche rien, je te prends comme tu es...
- Et pour toi le sexe n'as pas besoin de sentiments pas vrai
- Oui, c'est comme faire du sport avec un partenaire, un ...tennis
- C'est pas grave si on couche ensemble alors
- … Je restais sans voix
- Tout est dans l'instant tu disais
- ….
- Qu'est ce qu'on fait alors?
- Je ne sais pas....
- On joue à pile ou face ?
Je me mis a rire. Elle sortit une pièce de 5francs de son jean. Et me la tendis..
- Non, non... c'est toi qui lance
- Mais je suis nulle a ce truc...
- Allez...
- Face on sort ensemble...
Elle pris le bout de metal entre son index et son pouce en fermant les yeux, quand elle les ouvrit ils pétillaient en le suivant tournoyer en l'air. Elle rata la pièce qui tomba par terre, je m'approchai pour voir mais elle fut la première sur le résultat.
- Alors?
- …
- Alors?
Elle m'embrassa.

Je ne le savais pas encore mais cette pièce de 5 Francs venait de changer ma vie pour toujours.

A SUIVRE

vendredi 5 juin 2009

Le syllogisme de la Trinité, part II

Je venais de raccrocher le téléphone. Je restais complètement abasourdi au milieu de la pièce, je n’avais pas vu le coup venir. Je fut pris de vertige, je m’asseyais sur le coin de mon lit et pris ma tête entre mes mains. Je regardait l’heure, il était a peine 19h, la nuit débutait. Comment j’en était arrivé la ? Pourquoi en ce soir de Saint Valentin je me retrouvais avec une crampe à l’estomac ?... Une voiture entra dans la cour, ses phares vraisemblablement mal réglés projetèrent mon ombre et celle des volets de mon store sur le mur. Je me mis à rire. Sur le mur, je voyais mon double sans visage transpercé par milles épées, douce métaphore, mon ombre blessée allait être mon seul compagnon ce soir la…

Quelques mois plus tôt…

Je n’arrivais pas à me résoudre à quitter Sabrina. Elle avait beau avoir le QI d’un moineau et s’habiller comme une évadée de MTV, tout se passait pour le mieux et toute mon argumentation sur la Trinité devenait évanescente quand elle apposait ses lèvres sur mon cou. Elle avait bien évidemment raté son examen et prévoyait de s’inscrire dans un cursus d’esthéticienne, de mon coté j’avais bouclé mon année tranquillement et j’aspirais à un bol d’air frais sur mon été.
Avec Christophe, on décida de partir à deux, une quinzaine de jours à la road movie sur la cote espagnole. La nouvelle passa difficilement auprès de nos compagnes respectives. Sabrina me fit part de ses peurs, mais l’idée de faire un remake du voyage à Cardena fait quelques années plus tôt avec mon pote Lucas balayait toute réflexion sur le sujet dans mon encéphale. Elle décida de stopper notre relation, de me ‘kick out. Je pris la nouvelle avec un certain soulagement, car je suis l’homme d’une seule femme, un samouraï de l’amour qui n’a qu’un maître. Son acte, par conséquence me libérait de toute entrave et je pouvais alors me jeter frénétiquement sur l’étude tactile des jeunes effrontées hispaniques.
Nous partîmes donc sur la Costa del Sol mais rien ne se déroula comme prévu. Chris était très gêné par sa non maîtrise de la langue, les différences entre nos aspirations aux loisirs estivaux (moi, le mode bronzage sur la plage ce n’est pas possible, je suis déjà noir !!), quelques problèmes financiers et le manque de sa Caroline. Il décida de m’abandonner à Peniscola et de rentrer en train au bout de quelques jours. Seul, je décidais de suivre les conseils glanés auprès de charmantes hollandaises et de partir sur Salou, ou je passais finalement une semaine de fou, ne dormant qu’une nuit sur deux. A moitié mort, sur le chemin du retour, je garait ma Patmobile sur le parking d’un Formule1 à Toulouse et dormit pour la première fois de ma vie (et sans doute dernière) pendant plus de 30h.

Je ne me souviens pas du mois d’Août passé sur Paris, mais le 31 je recevait une lettre de Sabrina, une déclaration d’amour. Je fut très sincèrement touché par son geste et me présentait le soir même au pied de son immeuble après un call sur son Tam-Tam. Je me surprenais a être heureux de la revoir et ma surprise dura jusqu'à mi-Décembre.
Mi décembre, je retrouvais Luc que je n’avais pas vu depuis des mois pour cause de service militaire, et je me trouvais face a un mur que je n’avais pas anticipé. Je ne pouvais pas présenter mon amie à mon ami ou à ma mère, elle m’embarrassait trop. Je rompais le soir même, submergé de honte et de doute. Les semaines passèrent et fin Janvier, Sabrina frappait à ma porte. Elle était habillé avec un blouson d’un jaune éclatant, d’un pantalon en cuir noir et de chaussures à talons. Je ne m’attendais vraiment pas à la voir débarquer ainsi, si déterminée et à la voir me sauter dessus comme elle le fit. On se fréquentait donc à nouveau durant quelques semaines et je du faire un constat : quelque chose avait changé en elle, je n’arrivais pas a savoir ce que c’était mais j’étais séduit et conquis par ce changement.

Néanmoins, parallèlement à ce changement, je remarquais que son planning devenais très serré. Elle commençait a sortir avec sa cousine de 18ans, a traîner dans le 95 avec les voisins de ses grands parents, a boire pas mal quand on sortait… Je commençais à me demander si notre relation n’était pas devenue un peu vénale de son point de vue, mais mon très maigre portefeuille me chuchotait à l’oreille qu’il fallait vraiment qu’elle soit très bête pour compter dessus donc je faisait abstraction de mes doutes.
Début février, j’étais totalement fauché et ne pouvais plus assumer nos sorties, on ne se vus qu’une fois avant le 14. J’avais fait prévu de faire une soirée d’exception ce soir la pour marquer la St Valentin et avait restreint nos sorties pour financer cela. J’appelais donc la belle afin de lui dire a quelle heure je passait la chercher et lui faire une surprise. Elle décrocha et me mit KO. Elle m’annonça que notre histoire s’arrêtait la, qu’elle avait trouvé l’amour depuis deux mois dans le 95 et qu’elle avait voulu me revoir pour être sure. Elle était resté parce que j’étais trop gentil mais que ça devenait trop dur a assumer pour elle, cette double relation.

Et donc…

Je venais de raccrocher le téléphone. Je restais complètement abasourdi au milieu de la pièce, je n’avais pas vu le coup venir. Je n’étais pas accro d’elle, je n’étais pas marqué par cette rupture mais je me sentait terriblement seul. J’étais envahit par un sentiment de gâchis, je me sentait humilié, touché dans mon amour propre, elle avait entaché mon honneur de love samouraï. L’expérience de mes parents m’avait apprise qu’une relation survit généralement à une rupture mais rarement à deux, je savais aussi que lors de la renaissance d’une relation il fallait re-inventer l’histoire commune afin de partir sur des bases saines et pérennes sinon la gangrène en guettait les membres porteurs. J’avais appris d’une autre histoire ("Une histoire de pile ou face", ce sera la prochaine histoire racontée ici, avec une Valérie en personnage principal) tout ou presque du mensonge, de l’intrigue, du mal que l’on peut se faire par amour, du mal que l’on veut faire par amour, du mal que le regards des autres peut faire à l’amour, et de la dépendance. Sabrina, malgré son cerveau de poisson rouge m’avait appris une nouvelle chose, elle m’avait appris que mon syllogisme de la Trinité serait le garant de mon futur romantique

Prémisse majeure :
Le corps, tête et cœur sont la complétion de la Trinité
Prémisse mineure :
NOUS accordons nos cœurs, têtes et cœurs (car si notre désir est intact, nous avons le corps. Si nous pouvons encore nous parler et rire de nos défauts, nous avons la tête. Si nos âmes sont interdépendantes, nous avons le cœur.)
Conclusion
NOUS sommes la complétion de la Trinité

Et bien sur la négation du syllogisme :
Si il n’y a pas complétion de la Trinité alors il n’y a pas de NOUS

mardi 19 mai 2009

Le syllogisme de la Trinité, part I

J’étais assis dans le fond de la salle. La banquette usée s’enfonçait sous mon poids, épousant les formes de mon corps avachi. Il n’était pourtant pas tard, mais parfois la fatigue physique rejoint la fatigue morale sans que l’on s’en rende compte. Parfois, les jambes ne nous portent plus, la pesanteur est trop forte, les bras restent collé le long du torse ils sont las de jouer les ustensiles d’acrobate permettant au balanciers que sont nos squelettes de tenir en équilibre. La succession de jours psalmodiques érode le métronome de nos raisons jusqu'à ne laisser que la chair à vif de nos ongles écornés à force de gratter les murs des heures écoulés. Vaine tentative de laisser la trace de notre passage, un témoignage de notre existence dans le trou noir des actes monotones, nous voulons rompre le prévisible et ignorant jusqu'à cette lassitude qui gangrène nos moelles nous hisser dans des lieux où d’autres sont ou paraissent heureux.


J’étais assis dans le fond de la salle. Mon verre ne contenait plus que des glaçons, fondant doucement sur les restes de caramel et de caféine de la substance précédemment bue, j’étais sobre mais ivre de langueur. Un couple, sans doute nouvellement formé, échangeait des substances aqueuses par voie buccale, tandis que leurs mains allaient et venaient comme Aladin sur sa lampe cherchant a exaucer ses vœux. Je me mis a sourire pensant au génie perfide qui sortirais de cette union de frotteurs aguerris. Je regardait d’un œil leur ébats sans retenue, à la lumière violacée d’un spot de boite de nuit, à la merci de la critique des cyniques et des pudibonds. Je dépliais non sans mal mon bras vers mon Graal de glaçon et tête en arrière tentais d’en faire tomber un dans mon gosier. Un iceberg chuta dans sur ma langue emportant sur son passage un fluide sucré et brunâtre, la soudaineté de la chute me fit tousser et recracher le bloc de glace, le liquide dégoulinant du long de mon menton sur ma chemise. Cet épisode digne du grand blond à la chaussure noire exhuma la dépouille de ma vigueur et me précipita vers les toilettes. Je franchissais la salle pseudo afro-cubaine du Metropolis, et me passais un grand coup d’eau sur le visage et sur ma cilice. En sortant, je m’appuyais contre un faux palmier, subitement éreinté par cet empressement et regardais quelques minutes les gens danser. Une fille me pris par la main et me tira vers la piste, elle était étrangement belle donc je me demandais ce qu'elle me voulait avec son grand sourire sur sa toute petite bouche. Elle se mis a trimballer mes bras au niveau des ses épaules tout en secouant ses hanches comme si elles étaient sur roulement à bille. Je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait, je me contentais d’un rictus de constipé et de deux pieds totalement inflexibles. Elle se colla contre mon buste. Je la repoussais instantanément. Elle se figea.
-…, Je suis trempé… Je viens de passer ma chemise sous l’eau. Elle se mis à rire. Elle avait un visage aux traits très fins, tout petit, des épaules dénudées comme dessinées par Rodin
- J'ai flippé.... J’ai cru que tu me jetais !
- Non, non je suis juste….totalement à la rue. Je me mis à rire moi aussi.
Elle m’agrippa le bras pour atteindre mon oreille.
- Je ne vais pas tarder à y aller, je dois rentrer
- Ha! ok… Je n’avais pas encore répondu et ses lèvres étaient déjà sur les miennes. Je me retrouvais quelques minutes plus tard avec le numéro de téléphone de Sabrina, un numéro de tam-tam et un rendez vous le mercredi suivant.


J’étais assis dans le fond de la salle. Je me retrouvais à nouveau seul. Je divaguais silencieusement sur les relations hommes-femmes au rythme des sonorités seventies. Je pensais à une phrase de mon pote Luc quand sur les bancs du lycée nous dissertions déjà sur la vacuité des Marivaudages adolescents : Nous sommes tous des Tom. Oui, nous sommes coincés dans un épisode live de Tom&Jerry, les hommes sont des matous maladroits égarés dans une quête perpétuelle de la chair de Jerry, souris coquine et malicieuse. Mais, quand cette croisade éperdue vers cet être tant désiré touche à sa fin, quand nous tenons enfin sous nos griffes notre proie nous réalisons que le véritable but n’était pas le Graal mais la course vers le trésor elle-même. Nous sommes tous des Tom. Au final, ce sont les filles qui ont le dernier mot. On peut se démener, on peut charmer, parfois même séduire, mais au final ce sont elles qui mènent la danse, et ce, même dans leurs erreurs. Notre seul pouvoir est d’arrêter la chorégraphie, de délaisser leur bras, d’abandonner la saltation, et puis de souffrir a nouveau du manque de mouvement.


Le mercredi suivant, je me retrouvais totalement perdu dans les rues de Vitry sur Seine, m’arrêtant à chaque cabine téléphonique pour demander mon chemin. Arrivé en bas de sa cité, stationné en double file, je me demandais à quoi ressemblait cette fille, je me souvenais avec peine de son visage dans la pénombre. Des types louches me regardaient bizarrement, j’abaissais le loquet de sécurité pour verrouiller les portes. Une fille passa devant le capot avec un gros blouson kaki et me fixa, une sucette à la bouche. Je devais la regarder fixement sans vraiment y faire attention car elle s’approcha de la fenêtre.
- Vas y…tu veux quoi ?
- Heu…
- Tu mates quoi ? Tu t’es cru au peep-show ?
Elle cogna la vitre. Elle allait parler a nouveau quand on la siffla. C’était Sabrina. Elle était habillé tout en blanc, pull moulant, jean, bottes… Elle parla deux secondes avec la sœur de Terminator, puis fit le tour pour entrer dans mon habitacle. Elle m’embrassa, j’avais l’impression d’être dans un film, que superwoman venait de me sauver mais le plus drôle c’est qu’elle me dit une phrase qui semblait indiquer que c’était moi le héros : Envole moi. Je ne savais pas où aller, alors je roulais dans les embouteillages de la N7, on écoutait MJ Blige, elle se mis à chanter collant sa tête sur mon pectoral droit. Ca me gênait pour conduire mais je ne voulais pas qu’elle pense que je la rejetais à nouveau, donc je faisais comme si de rien n’était. A mis parcours elle me demanda si on allait chez moi, je ne savais pas quoi répondre alors j’acquiesçais. Elle me serra le bras.
- Tu sais la bas, à la cité…personne ne m’a jamais vu avec quelqu’un.
- Tu n’as jamais eut de copain? Lui dis-je, incrédule teinté de cynisme
- Non, c’est pas ça, j’ai eu quelqu’un mais…il était plus vieux, il est jamais venu me chercher à la cité, j’allais chez lui
- Ah!…livraison à domicile
Cela ne la fit pas rire, elle lâcha mon bras. Je m’excusais. On s’arrêta à Belle-Epine pour aller au cinéma car j’allais péter un cable dans les embouteillages. Elle était exactement ce dont j’avais besoin à ce moment là, d’une douceur infinie, candide jusqu'à faire penser qu’elle était stupide et terriblement sexy. Habillée tout en blanc, elle ne passait pas inaperçue, ça me rendait mal à l’aise et fier en même temps. Quand je la ramenais au pied de son bloc immeuble, je remarquais que les gars louches me regardaient avec encore plus d’intérêt, j’étais d’autant plus motivé lors de notre baiser d’adieu.


On se voyait deux à trois fois par semaine, de ces instants privilégiés où l’on découvre l’autre, mentalement et physiquement. Quand on apprends chaque détail, s’émerveille aux bonnes surprises, oublie les mauvaises. De ces instants où on accepte l’autre tel qu’il est car il fait de même, comme un jouet neuf le soir de Noël. Le papier cadeau maculant le sol, la boite frénétiquement arrachée pour saisir à bras nus son contenu, les commissures des lèvres touchant les pommettes, l’œil animé d’une étincelle de bonheur. Quand nous avons encore de l’empathie, quand notre égoïsme tapis sous le voile de cœurs épanouis attends son heure, fauve au abords d’un oasis où le gibier s’abreuve. Cela dura jusqu'aux vacances de Paques.


C’était le dernier temps libre avant nos examens respectifs, nous savions que nous aurions moins de moments partagés à venir et qu’il fallait donc en profiter. Nous passions toute la semaine ensemble, mes finances qui alimentaient nos sorties et l’essence des aller-retour vers son domicile commençaient à faner donc nous restions cloîtrés chez moi jusqu’au week-end. Le vendredi, nous retrouvâmes Bouba (Pierre mon binôme, voir première histoire de ce blog) et deux de ses amis, je voulais lui présenter Sabrina. La soirée était agréable, mais la nuit se transforma vite en cauchemar. Une fille que je voyais assez régulièrement quelque temps auparavant quand je fréquentais le Kio (une boite de nuit vers Fontainebleau) se trouvait la avec son nouveau boyfriend campagnard et me sauta dessus, se collant à moi comme une traînée à chaque morceau de Ragga sous l’œil amorphe de son compagnon et celui horrifié de Sabrina. Bouba me sauva la vie en jouant le backup social avec mon amie à chaque salve de folie de la blondasse du Kio. Je commençais à m’amuser de la situation grotesque quand je croisais le regard de la fille que je cherchais soir après soir en allant dans cette boite. Je l’avais croisé six mois antérieurement, sur cette même piste et j’y étais retourné tout les vendredi et tous les samedi pour la croiser a nouveau. Je ne savais meme pas son nom.
Je me retrouvais avec une énergumène qui me tamponnait le pantalon avec sa croupe, ma compagne et cette autre fille qui me hantait. Pourtant, alors que la fièvre avait gagné mon corps, alors que j’étais dans une situation prompte à tous les malentendus, cette fille me regardait encore avec les mêmes yeux. Je la fixais avec une infinie tristesse, comme si le destin avait voulu qu’elle me reste inaccessible, et la tête baissée elle fit un geste qui l’inscrivit en moi pour des années encore, elle passa sa main dans ses long cheveux bruns, les soulevant pour avoir un peu d’air sur le cou. Tout était immobile l’espace d’un battement de cils, immortalisé.
Quand je revenais à moi, Sabrina était dans mes bras, Pierre me disais aurevoir, la folle avait disparu, la fille que je cherchais aussi (certains l’auront sans doute deviné, nous la retrouverons plus tard, longtemps, d’ailleurs nous l’avons déjà évoqué). Le lendemain, j’espérais la soirée plus calme mais nous étions en zone de risque, je devais lui faire découvrir le fameux Kio est sa piste tournante.


J’attendais au bas du bloc immeuble de Vitry, quand je vis un truc incroyable débarquer. Je ne savais pas si il fallait que je jette un drap dessus ou que je lui demande d’aller se changer mais elle était habillée comme un mix subtil entre l’évadée d’un clip de R. Kelly et la pornstar d’une superproduction Marc Dorcel. Elle était revêtue d’une combinaison de latex argenté avec une grande fermeture éclair partant du cou jusqu’au nombril, et des bottes noires. Elle s’était lâchée sur le look superheros fétichiste. J’étais dans un état….
J’essayais de la convaincre de ne pas sortir, la fatigue, la distance vers ce coin perdu dans la foret, etc. Mais, elle voulait connaître l’endroit, croiser mes amis et je subodore, rencontrer à nouveau la folle blonde pour marquer son territoire… La nuit était noire, et dans les bois entre Champagne s/seine et Melun, je lui fis le coup de la panne avec les sangliers comme témoins. Cela ne l’arrêta pas, elle rezippa son uniforme de pétasse et nous repartîmes. Une fois arrivés, je croisais David, un black au physique de gorille, très bon danseur, que je dû attacher car il était surexcité à la vue de ma Power Ranger. Je passais la soirée en mode bodyguard, escortant la belle partout, même aux toilettes car les gars étaient tous dans le même état que mon pote gorille, j’étais de plus en plus énervé.
Sabrina se fit très calme et câline, rien a voir avec sa tenue extravagante, impossible de lui en vouloir, et de retour à sa cité, elle dormait comme un bébé la tête collé contre la vitre, ça me changeait du ronflement de Christophe quand nous rentions de soirée. Je me fis gentleman, et l'a pris dans mes bras, mon blouson comme couverture jusqu'à sa cage d’escalier.


On se voyait moins car j’avais du boulot en retard, notamment un essai qui me tenait à cœur sur l’évolution de la condition des noirs au USA suite aux émeutes de Los Angeles. Bouba faisait déjà tout mon boulot pendant l’année, là c’était le money time, on devait s’y mettre a deux. Sabrina avait un truc à rendre sur un travail continu sur l’année sur Access mais n’avait absolument rien compris et donc rien fait, elle stressait sur ce truc d’un an a faire en quatre jours. Résultat, je me retrouvais à apprendre l’utilisation d’Access et le SQL, faire tous ces TD et son projet de fin d’année (Petit clin d’œil du destin car sans elle je n’aurais jamais travaillé sur la programmation SQL sur Access et donc eut mon premier boulot !!...Papillon effect).
Elle avait un autre problème, un examen de comptabilité et elle était nulle. J’appelais Christophe et lui proposait de devenir professeur pendant un après-midi car ma conquête avait un cerveau de poulpe, il accepta. Il lui fit un cours d’une heure et demi sur les bases de la compta, et vint me voir en aparté.
- Elle est gentille mais c’est chaud pour son examen, elle comprends rien…
- Hum….ouais, je sais, elle est un peu….conne
- Mais non, c’est pas son truc les maths c’est tout
- Ouais mais hier on a regardé Dobermann….elle m’a dit qu’elle n’avait rien compris
- Heu….
- Elle m’a dit qu’elle ne comprenait rien a ce que rappait MC Solaar
- Ok, elle est…
- Bonne mais conne, je sais…
On se mis a rire
L’après midi passa. Je jouais à Sensible Soccer avec Christophe pendant que la miss faisait ses exercices de compta dans le salon...On était tous trois dans la chambre quand la clef tourna, ma mère était rentrée plus tôt que prévu, et ça, ce n’était pas prévu. On se mit en file indienne pour dire bonjour, j’ouvrais la marche.
- Bonjour madame, quel plaisir de vous revoir !
- Vini bô mamanw ipocrit

Christophe riait comme un phoque. Sabrina se faisait toute petite, elle n’avait pas l’habitude de voir une tornade arriver dans un appartement. Et surtout elle s’était bloqué car ma mère l’avait prise pour Caroline, la copine de Chris sans penser un instant que c’était la mienne. Elle me jetais de grand regards de fille perdue.
- Mon dieu quelle est jolie ! Elle est toute mimi!!
- Hum...On va y aller la ! répondis-je, sinon on va avoir les bouchons
- Coumen ? difé ? ….je lui coupais la parole car elle était visiblement en grande forme et donc incontrôlable en cas d’élan
- Je dois ramener Sabrina, elle doit garder sa petite sœur ce soir…
Une fois dans la voiture Sabrina ne disait pas un mot, elle se contentait de me tenir la main sur sa cuisse m’empêchant de passer les vitesses ce qui m’énerva. Dans les embouteillages du retour avec Chris, je faisais le constat de la situation : je devais arrêter cette histoire car elle ne comblait pas ma Trinité.


Mon argumentation était simplissime, un syllogisme. L’harmonie d’un couple était basée sur ce que je nommais : la Trinité. Trois variables qui cimentaient une relation dans le temps, permettant de trouver un équilibre personnel et mutuel : le corps, la tête et le cœur.
Le corps est l’assouvissement des desiderata sexuels mais aussi la pérennité du désir et de la volonté de séduire l’autre, on peut même parler de l’orgueil né du désir des autres sur l’être que l’on possède.
La tête est l’assouvissement des desiderata intellectuels, la nourriture de l’âme, pouvoir discuter, avoir une complicité, partager des intérêts et des découvertes, échanger sur ses sentiments, ses doutes, ses rêves ; connaître l’autre jusqu'à ces moindres détails.
Le cœur est l’intangible cavalerie qui mène la guerre, l’alchimiste transformant les odeurs, le toucher de l’autre, le goût de sa peau, le son de ses gémissements et sa vue en dépendance, en irraison. Le cœur est le cavalier ultime de l’apocalypse.


A SUIVRE...

jeudi 14 mai 2009

The question of U

Cette histoire est très décousue, je m’en excuse aupres du lecteur. J’ai voulu survoler des périodes de ma vie sans rentrer dans trop de détails car ils viendront par la suite dans d’autres histoires. En tout cas après quelques semaines de silence pour cause de vacances (Agadir, HongKong) et de boulot (v9 fever), liveafterlove est de retour...

So what is the answer to the question of U
What do I look for, what shall I do?
Which way do I turn when I'm feeling lost?
If I sell my soul, now what will it cost?
Must I become naked, no image at all?
Shall I remain upright, or get down and crawl?
Prince, The question of U, Graffiti Bridge, 1990

J’écoutais Daivy postillonner dans mon micro, le nez collé à ses feuilles volantes raturées de partout. Il arrivait a peine à suivre sa propre écriture, morceaux de phrases éparpillés sur du papier froissé, plié en huit dans la poche arrière d’un 501 usé. Il apposait ses lèvres sur la grille de plastique d’un ridicule enregistreur relié à une chaîne hifi. Le son était abominable. Il ne s’arrêtait pas, ses mots le portait, il avait foi en eux. Le sample en loop que j’avais pris d’un album de Mr R. saturait en basse mais il nous rendait fou, quel son de malade… Daivy lâchait ses lyrics en se gaussant chaque fois qu’il s’emmêlait dans les lignes en voulant aller trop vite, cela faisait partie de son style, de son flow…le refrain partait, je prenais le mic et enchaînais le second couplet, une histoire de nuage gris au dessus de nos têtes, d’averses affrontées têtes hautes…Mon style était plus apuré, moins ruff, je le travaillais sans cesse, je voulais sonner comme le Oxmo de ‘l’enfant seul’ ou le LLCool J de ‘Hey love’, Daivy lui se prenait pour Lino des Arsenik. On écoutait la K7, et on recommençait, on changeait de sample, on essuyait le micro et on refaisait le monde.

Luttes intestines pour le pouvoir de dire non / Quand nos cœurs dictent nos mots en nos noms / Laisse moi poser mes lèvres sur ton front / T'emporter vers les heures où naquirent nos sentiments / Quand être 2 était plus qu'être simples amants / Je me revois sécher tes larmes coulées pour d'autres / Parce que tu avais confié ton cœur à d'autres hôtes / Confie toi à moi, tu peux tout me dire / Nouveau départ et il est temps de partir
dioscure, 1998

L’après midi s’était écoulée sans que nous remarquions, je raccompagnais Daivy chez son frère jumeaux, Christophe, au dernier étage d’un petit immeuble sur Corbeil. Il dormait sur le canapé et sur la table basse, il y avait des dizaines de feuilles écrites dans une calligraphie indéchiffrable a demi collées par des taches de Coca. Je me mis à en décoder quelques unes, a lancer une impro' sur un sujet, les rimes étaient comme une seconde peau, elles venaient toutes seules entre la télé allumée, l’album du Doc Gynéco qui tournait sur la home box et les rires de mon acolyte. La clé tourna, Chris était de retour, à peine entré il se mis à gueuler sur son frère: le paquet de chips qui était ouvert sur la table laissait des miettes partout, le Coca dans le frigo ouvert la veille ne comptait plus qu’un demi centilitre, la vaisselle n’était pas faite, etc. C’était tendu entre eux depuis un moment, pas évident de vivre à deux même pour des jumeaux,... je chambrais un peu Chris pour détendre l’atmosphère. C’était une situation particulière, ils sont comme ma famille, Chris est comme mon frère mais ils ont aussi leurs histoires de famille, leur passé… Je me suis toujours effacé par pudeur, j’ai toujours partagé leur peine sans pourtant en sentir l’ampleur, spectateur de leur vie comme parfois je l’étais de la mienne. La tension s’estompait peu à peu, on sortit les cartes, des dizaines de pièces de 20c de francs d’un typeware blanc qui traînait dans le meuble contre le mur et on lança notre partie de poker fermé. La nuit passa, les week-ends passèrent, les mois…

Ombres chinoises/ Une ligne de craie blanche sur le noir d'une ardoise / Deux courants d'air, froid et chaud, qui se croisent / Je t'aime...mais je te trompe résonne dans le crâne / Et comme un virus fait ma raison tomber en panne / Mon calme disparaît / Avec les vapeurs suaves de ma jalousie qui apparaît / Pour la première fois comme une arme de jais / Le lent poison coule épais / Dans mon encéphale / Et, dans mon reflet ma peau n'est pas assez pale / Noir, tableau et ta craie dessine les courbes de mon désir / Pire / Le pire c'est que le rongeur dicte au reste / Et comme le rat sur le navire propage la peste / Le mal d'Othello guide mes gestes.
dioscure, 1999

Nous avions usés nos voix toutes l’après-midi de ce dimanche de printemps. Chris était passé dîner avec nous. J’avais passé la semaine sans sortir de chez moi, j’avais écrit des centaines de chansons, mon cerveau était comme un four, chaque mot que l’on me murmurait se transformait en plat chaud sous forme de prose ou de vers. Et c’était sans compter toutes les instrus que j’avais généré, entre les samples de Ginuwine, Rocca, Another Bad Creation, Cesaria Evora, la BO de Blade Runner…
Nos pâtes au beurre accompagnées de tranches de jambon ingurgitées, on se mis sur la moquette de ma chambre avec des coussins. Chris ne voulait pas avancer d’argent à Daivy qui était broke donc l’idée poker fut abandonnée mais une partie de Canastas débuta.
- T’es créatif en ce moment, t’arrêtes pas !
- Oui, j’ai trouvé une muse
- Elle à des copines ??
...Daivy se mis à rire
- Elle sort d’où ? Elle s’appelle comment ?
- Elle est dans le 92, Emmanuelle…
- Emmanuelle, c’est un nom de cochonne ça ! mais p’tain tu les trouve toujours à des kilomètres, tu fais exprès ?

- Bah, il ne s’est rien passé…elle m’a juste appelé une fois, elle gardait une vieille...
- Un coup de fil ? Arrête de faire ton lover, t’es bien degeulasss…on le sait

On éclata de rire de plus belle, en pensant à notre pote Shogun tout bourré sur la piste de danse du Metropolis qui regardant une vieille se dandiner nous avait sorti cette phrase devenue mythique : Elle est bien dégueulassssss
- Non, non, elle a un mec depuis 5ans, elle est sérieuse, c’est un peu compliqué…
- Et alors, tu la ramène et…
Je le coupais, mais les gestes de fessés qu'il mimaient faisaient passer le message
- Non, j’ai tout mon temps, cette fille…cette fille c’est ma destinée. Si ça se fait dans dix ans alors ça se fera dans dix ans mais ça se fera
- Mais t’as pris un truc ou quoi ?


Je ne me souviens pas de la suite et je suis persuadé que Chris et Daive non plus. Quatre mois passèrent, Emmanuelle ne me rappelait toujours pas (je ne le savait pas encore mais il fallait que j’attende encore un an, mais ceci est une autre histoire qui fera l’objet de nombreux textes de ce blog). Je finissait mon école et me faisait embaucher dans la pub après mon stage, je vivais de soirées en soirées, de filles d’un soir en filles de deux. Daivy était tombé malade, je rappais seul, mes textes étaient moyens, je n’avais plus de muse. Nous avions Chris et moi tenté de faire une reprise en français de « Simple Pleasure » de Karyn White mais nos voix étaient lamentables. J’écrivais pour d’autres personnes et plus pour moi jusqu'à ce qu’une fille en studio soit tellement dyslexique sur un de mes textes que je m’emporte dans une colère rare et arrête ma carrière de parolier en la traitant de tout les noms d’animal invertébré.

Le temps passa et une relation très passionnée et destructrice débuta avec Marilyne (oui, encore une autre histoire a raconter ici). Ce fut une période très intense émotionnellement et mon écriture s’en servit comme engrais. D’autant que nous passions parfois des journées entière a ne rien faire à part écouter des CD collés dans les bras l’un de l’autre. Entre nos nuits d’amour et nos nuits de haine, j’écrivis mes meilleurs textes, plus matures, moins self-oriented.

Famille / Famille / Famille
Et si l’on croit le dico, y'a ceux qu’on choisit / et ceux qu’on subit
Ensemble d’elements / derivant d’un meme element / la parenté
Ensemble d’elements / ayant des affinités / l’amitié
Et toi, baby / celle choisie / pour m’accompagner
Famille / Famille / Famille
Parapluie contre la solitude, maillons d’une meme chaine /
Question d’amour, et dit moi / Combien de fois / t’ai je dit « je t’aime »
Je suis ton epaule, tu es la mienne / contrat tacite / Mais les larmes comme les sourires sont si explicites /
Ces choses qu’on ne se dit pas et qu’on devine / Tu es de ma famille, tu le sais ou le devine

Famille / Famille / Famille
dioscure, 2000

Un jour, je sortais du 15 rue Pasquier quand mon cellphone sonna, c’était Emmanuelle. Et au delà de notre histoire, au delà de deux ou trois autres textes écrits en une presque décade suivante. Au-delà des heures passés en 2001 en studio avec Aicks pour faire notre album (jamais sorti et Dieu sait que mon pote avait du talent…malgré son penchant pour ne rien foutre a part chasser la gazelle qui a plombé notre boulot). Cet appel était l’annonce de la fin de ma période créative, quelques mois plus tard, j’écrivais ce que je voulais être mon dernier texte et ce encore aujourd’hui.

I died...2nite

Je n’entends plus la musique, je n’entends plus mon cœur battre
Je n’avais pas remarqué l’heure tardive, il est sans doute temps que je parte
Tirer un trait sur toute cette comédie, j’aurais ma chance à la prochaine
Avant de pousser la dernière porte, jeter un regard vers la lune pleine
C’est à la nuit que je passerais à la nuit, et elle se fait miroir de ma vie
Je me sens vide, je me sens plein, heureux et malheureux, 1000 envies et plus aucune envie
Reste la certitude, parmi tous ceux qui la cherchent, j’ai trouvé l’âme sœur
Le sens de la vie, de la mienne en tout cas alors je pars sans peur
Pardon à tout ceux qui ne comprendrons pas, j’ai atteint mon but, il ne me reste plus rien
Ce n’est pas à cause d’elle, elle est ma cause, et avant elle je n’etais rien
Je ne veux pas la perdre, laissez moi m’endormir, je ne veux plus d’autres rêves
De la bas, sur l’autre rive, je pourrais vivre mon amour sans que le soleil ne se lève
Pardon à tout ceux qui ne comprendrons pas que le meilleur n’est pas à venir
Je ne suis pas fou, je n’ai pas de peine, j’aurais aimé être un héros de Shakespeare
Le poison fait son effet, « le reste n’est que silence », j’évite le pire…
Un regret pourtant au seuil du cercle des suicidaires, je la voudrais femme et mère
Qu’il reste de notre amour plus qu ‘une épitaphe sur un linceul et une prière
Une fille qui lui ressemble, la même flamme dans les yeux, les mêmes mains minuscules
Un regret encore, lui faire l’amour encore, mourir puis mourir, terre et moi péninsule
Je ne suis pas fou, je n’ai pas de peine déjà la porte se ferme, je suis heureux, adieu.
dioscure, 2001

So what is the answer to the question of U? demandais Prince dans le film Graffiti Bridge (mal joué, mal tourné mais une BO mal estimée...avec la découverte de Mavis Staple, Tevin Campbell et des productions de The Time énormissimes, sans oublier le funk electro des NewPowerGeneration qui sonnent comme un Georges Clinton tribute)

So what is the answer to the question of U? ... j'avais trouvé une réponse, aujourd'hui je cherche la question....

vendredi 17 avril 2009

Life before, chapitre 2: Val

Les gens se croisent mais ne se regardent pas, se sourient mais ne se parlent pas, se parlent mais ne s’écoutent pas. Parfois leurs mains se touchent, leurs lèvres s’écrasent sur des joues, parfois même ils se collent les uns contre les autres, se respirent ou se goûtent. Mais disant cela, je ne fait qu’enfoncer des fenêtres déjà grandes ouvertes sur le vide qui emplie nos relations entre mortels. Se connaître ne veux pas dire se connaître. Notre plus grand paradoxe est que cette intimité que l’on veut gardé par le dragon Ladon de nos consciences n’est qu’un jardin aride délaissé par les Hespérides, sa vraie valeur n’existe que si on la dévoile. Et tout ce mal que l’on s’inflige à vouloir dans des élans sincères mais futiles et maladroits a se protéger ou se libérer est comme l’ultime présent à l’autre.

Cette histoire se déroule bien avant le chapitre I…

Il était tard, j’étais assis sur le sable d’Almeria. Quelques nuages nous cachaient les étoiles mais la lune pleine veillait sur nos silences. Elle avait la tête sur mes cuisses, mes doigts emmaillaient et démaillaient tour à tour ses cheveux bruns tandis que ses poumons se gonflaient pour ensuite relâcher un soupir. Elle se tourna pour me faire face. Tu me pardonne ? demanda-elle anxieuse. Et comme je ne disais rien, elle se retourna encore face à la mer. Un nuage passa devant la lune, nous confinant à l’obscurité et quelques gouttes se mirent à tomber éparses sur mes avant-bras. Tu veux y aller, Val ? lui demandais-je. En guise de réponse, elle enfonça sa tête sur mes cuisses comme pour elle aurait fait avec un oreiller pour préparer sa nuit et elle répondit: Non, attendons la pluie.
Les gouttes se mirent a tomber avec une plus grande fréquence, je penchais sans y penser mon buste pour lui servir d’abri et inclinait ma main sur son front afin d’éviter que son visage ne soit trop trempé. Elle se mit à rire : et maintenant tu me pardonne ? Tu compte me faire attraper la crève si je ne te pardonne pas, c’est ça ton plan ? Elle se remis à rire. Tu sais, repris-elle, quand je suis avec toi j’ai l’impression d’être vraiment la personne la plus chanceuse au monde, tu as milles attentions si discrètes que souvent on ne s’en rends même pas compte. Je haussais les épaules. Mais des fois j’ai envie de te taper quand tu ne dis rien, ça me rends folle. Tu me rends folle, j’ai en vie de hurler tellement je t’en veux d’être toi. J’apposais ma main sur sa bouche pour la faire taire, je pris un coup de poing dans le ventre, puis un autre sur l’oreille. Nous étions déjà trempés. Elle se leva, des insanités fusaient de ses lèvres avec un flow digne des Bone’s Thugs & Harmony mais je ne l’écoutais pas. Je regardais l’eau ruisseler sur son cou et s’immiscer dans les courbes de sa poitrine. J’avais envie de me jeter sur elle, de lui mettre la tête dans le sable dans la violence subite d’un coït passionné. De me laisser aller à mes instincts primaires. Mais au lieu de tout ça, alors que la solution la plus plaisante était aussi la plus saine, je lui lançais une phrase assassine : Ok, c’est bon tu m’a saoulé, on arrête la. Elle se tue, visiblement elle ne s’attendait pas à ça, moi non plus, quelle phrase à la con. Je ne me souviens pas de la suite.

Le lendemain, le soleil était timide au réveil mais durant notre trajet en bus vers Séville, il s’était bien rattrapé. La visite de la ville fut un enfer, un groupe de trente ados débiles déambulant dans le quartier de Santa Cruz en ne pensant qu’a acheter des glaces, traversant Giralda pour y trouver de l’ombre, même l’Alcazar n’avait suscité le moindre intérêt. Apres ces vaines heures, éreintés par la canicule nous reprenions le bus en direction de Granada.
La journée n’avait rien changé, j’étais seul dans un coin du bus, Val était quatre sièges plus bas, nous n’avions pas échangés un mot. Derrière nos lunettes de soleil, nous nous étions épiés, chacun cherchant un signe de flexibilité chez l’autre, une porte d’entrée. Mais j’étais trop fier et elle trop passionnée. Nous n’étions séparés par quelques mètres, ne pensant l’un et l’autre qu’a l’autre, je ne voulais que d’elle et j’attendais qu’elle fasse un pas, elle attendait la même chose. Alors comme souvent lorsque nous ne trouvons pas le courage ou n’avons pas la décence de décider de notre futur, la vie décide par elle-même et le résultat correspond rarement à nos souhaits.
L’arrêt à Granada ne dura que le temps d’une dizaine de battements de cils. Nous allions repartir quand une fille tomba dans les paumes. On lui apporta de l’eau, elle avait une insolation. Nous étions tous ensemble depuis deux semaines mais je la connaissais pas, elle ne faisait pas partie de mon groupe restreint de fêtard compulsifs. Elle était d’Isbergues, une ville vers Calais, devait faire un mètre quatre vingt cinq, et les long cheveux noirs qui descendaient sur sa robe en flanelle beige faisaient ressortir le teint rubicond de ses épaules. Elle avait cramé. Je ramassait les sandales qui avaient glissées de ses pieds tandis qu’on l’aidait a monter dans le bus. Quelqu’un la mise sur le siège a cote de moi. Elle pleurait.
Le bus reparti. J’étais embarrassé par ses larmes, ne sachant pas trop quoi faire. Je pris mon walkman et lui passa un des écouteurs intra conques, elle me dit merci. Le fil des écouteurs était court, elle se colla à moi, je passait un bras par-dessus sa tête et elle posa la tête sur ma poitrine. Bob Marley chantait tranquillement ‘Waiting in vain’ quand ses larmes avaient séchées. La nuit tombait, je regardais par la fenêtre pour voir si la lune était aussi grosse et brillante que la veille mais je ne l’apercevait pas. La fille du nord, avait toujours la tête collée sur ma poitrine, la K7 avait déjà fait plus d’un tour et Bob chantait ‘Satisfy my soul’. Je lui soulevais doucement le menton et lui demandais : Ca va mieux ? Elle m’embrassa. Ce baiser dura jusqu'à notre arrivée.

Nous primes rendez vous avec mes amis habituels pour se retrouver le soir dans notre tanière de débauche. Je me sentais mal, je ne savais pas comment gérer cette fille inconnue qui était désormais mienne, et cette soirée confronté à celle que je voulais vraiment. Comme souvent face à un mur, je décidais de ne pas dépenser d’énergie à y penser et de réagir une fois en face de celui-ci. Sur la route menant à notre bar, je croisais Frank, un des type avec qui je traînais le soir. Il me faisait rire. Il me prenait pour un modèle a suivre, me sortant des trucs du genre ‘direct tu l’a enchaîné la Lilloise’, ‘Laisse nous en quelques unes dans le groupe’, ‘Ta tête arrive au niveau de ses seins’. Sa connerie m’a déstressé, il ignorait que j’étais psychologiquement à la rue…
Arrivé devant le bar, ma grande brune était déjà la, hyper souriante. Elle avança vers moi, sa courte jupe légère dévoilait ses cuisses à chaque pas, elle m’embrassa, j’étais sur la pointe des pieds. Une fois dans le bar, les choses avaient un goût différent des nuits précédentes, tout se passait sans heurt. J’avais pris l’habitude des soirées animées avec Val la folle, et la, tout était calme. Elle était très câline, se présentait à tous mes amis, j’étais très embarrassé d’autant que dans son coin celle qui avait les faveurs de mon cœur assistait a tout sans un mot. Et je ne faisais toujours rien pour changer la situation.
Je raccompagnait ma fille du nord et le long de la plage je ne trouvais toujours par la lune. Nous nous allongeâmes sur le sable froid et la température monta. Mes doigts courraient le long de son cou, seins, hanches jusqu'à des zones plus intimes. Elle se cramponnait à moi comme si mon corps déjà collé contre le sien n’était toujours pas assez près, comme si elle ne me sentait toujours pas assez. Puis dans un feulement elle se relâcha complètement, jetant la tête en arrière sur le sol, laissant ses bras rouler le long de mon dos. Je dégageais son regards derrière ses cheveux, son rimmel avait coulé laissant de noirs sillons sur ses tempes et ses joues. Ca va ? demandais-je. Trop bien me répondit elle. Je ne comprenais pas, elle caressa mon visage avec tendresse. Pourquoi je ne t’ai pas rencontré plus tôt ? Et voulant faire de l’humour, je sorti un connerie comme à mon habitude dans les moments intenses. Je ne me souviens pas de ma super boutade du moment, mais elle se mit a me serrer dans ses bras de toute ses forces et sur le chemin du retour me raconta toute sa vie. Sa vie était pleine de drame, de choses que je n’ose écrire par respect pour sa mémoire et je compris vraiment que j’étais sans nul doute la personne la plus désintéressée et la plus attentionnée quelle avait rencontré. La, devant la porte de son immeuble, sous l’escalier, derrière les boites aux lettres, ce fut la première fois, elle et moi.

Le lendemain, au réveil, quand je tirais le store de ma chambre d’étudiant en exil dans le sud espagnol, il me tomba dessus manquant de m’éborgner. Je descendis les marches l’air de rien et quand la vieille qui m’hébergeait me parla du bruit matinal dans son espagnol incompréhensible je lui répondis qu’il avait fait chaud a Séville.
Les cours d’espagnol, ce matin la étaient tendus, mon binôme était désormais mon ex-amie. En deux jours les situations peuvent changer du tout au tout, nous ne nous parlions plus, et la bigote qui officiait en tant que prof ne comprenais plus rien. Il faut l’avouer, j’étais prêt tout pour elle, elle n’avait qu’a dire un mot, mais rien....A quinze heure, je pris ma raquette de tennis et partit prendre ma raclée quotidienne contre un espèce de nain blondinet qui se la jouait sourire Ultra-Brite a chaque ace. A 17h, alors que serviette sur la tête je tentais de récupérer mon souffle, une main glacée passa sur mon cou, ma grande brune était la.
Je me suis pavané ainsi, fringant comme un coq au bras de cette fille que je n’aurais jamais approché si le hasard ne l’avait mise sur ma route, en souffrant à chaque regard de l’autre. Je n’avais plus le choix, je faisais ce que tous mes potes attendaient de moi, je jouais le type blasé supacool. Je ne voulais pas la blesser, d’autant qu’elle comblait ma lubricité d’ado mais une fois seul, une fois devant le miroir je baissais les yeux. Cela a duré jusqu’au train du retour vers Paris.

Nous étions dans un train de nuit, quatre par loge couchette. J’étais avec Frank, le blondinet et étrangement une fille, Catherine, rousse marrante qui venait de Normandie. La cabine d’a cote était pleine de filles, dont Val. Ma girafe était dans le wagon d’a cote, c’était notre dernière nuit ensemble et mes potes avaient accepter de nous laisser la cabine, je dut soudoyer Catherine. Ce soir la, il ne se passa rien, elle était collé à moi, pleurant durant tout le voyage alors que je ne pensais qu’a des choses salaces et voulais sortir de cette ode au mouchoir interminable. Quelqu’un frappa à la porte. J’allais ouvrir, et la lumière entra dans la pièce en même temps que la gifle que je reçu. C’était Val : T'as encore fait une connerie ? J’esquivais la seconde salve. C’est quoi ton truc, rendre les filles malheureuses ? J’étais heureux, elle me parlait pour la première fois depuis des jours, je me mis à rire: mais t’es vraiment une malade! Elle avança, je reculais. Ce n’est rien, elle ne veux pas rentrer c’est tout….il y eu un long silence…Nous restâmes tous les trois assis dans le noir jusqu'à Paris, sans dire un mot. Je pris leurs adresses, leur numéros, je ne pouvais rien leur donner en retour car je ne savait pas ou ma mère avait décidé de vivre.

Finalement, une semaine plus tard, j’aménageais dans le 77, dans les bois de Cesson-la-Foret. Et après que nos coups de fils se soient espacé jusqu'à ne plus être, ma vie avait repris son cours asthmatique. Un jour, je faisais un échange de comics sur les Ulis. En descendant la rue, je tombais sur un type qui m’arrêta du bras. Patrick ? T’es Patrick pas vrai ? C’était un black de cinq à six ans plus âgée de que moi, assez baraqué, je ne le connaissais pas. Il enchaîna, Ah mon pote, je sais tout de toi, Val, elle parle sans arrêt de toi. J’ai l’impression qu’on est cousin, non en fait je te connais mieux que mes cousins…il riait fort, ça me dérangeait. Les gens nous regardaient. Je souris bêtement car de toute façon vu sa largeur de buste j’aurais mis au moins 3secondes pour le contourner, trop long. Il ne s’arrêtait plus de parler : Et tu l’a vue là ? elle a pas du t’entendre, elle a toujours un casque sur les oreilles... Je me retrouvais sur Orsay à monter la cote vers le domicile de Val avec ce type bizarre. Il poussa la barrière d'un jardin, puis ouvrit une porte avec ses clefs. Dans le salon, une fille était assise de dos, elle portait un tee-shirt bleu et un short rose, ses pieds étaient nus. Elle se retourna, et hurla : Patrickkkkkk, courra, me sauta dans les bras, me serrant jusqu'à m’étouffer. Le fil du casque n’était pas assez long, il se deplugga de la chaîne hi fi, c’était la voix de Karin White chantant ‘Love saw it’. Elle me présenta, son boy-friend, elle lui dit voila mon meilleur ami en me frappant de son doigt. Elle me fit visiter, j’étais dans sa chambre, petite, un grand lit était collé à une armoire couverte de miroir. Dans le reflet je voyais des photos d’elle et moi sur un banc à Madrid, j’avais une d’entre elles, Catherine me l’avait envoyé. Je dînais avec eux, écoutant de la musique, je découvrais pour la première fois Keith Sweat, Shai, Bell Biv Devoe. Elle chantait, elle riait, elle était heureuse. Son homme me raccompagna en voiture jusqu'à chez moi, je le haïssais, il était trop sympa.
Durant les deux années qui suivirent, je les vus deux ou trois fois pour des anniversaires. J’étais passé à autre chose, mais quand ma mère décida de déménager et que la classe Mat Sup. de François 1er à Fontainebleau devenait trop loin, je signais pour l’école d’ingénieur sur le campus d’Orsay avec mon pote Christophe. Etait-ce un hasard ?

Je crois avoir croisé Val l’an dernier, le week-end du 8 mai non loin du Louvre, je n’ai pas osé l’approcher, on dit que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit mais Thor peut être parfois un peu facétieux.

mardi 14 avril 2009

Life before, Chapitre 1

Parce qu’il était temps que les béotiens du poker aient aussi droits à mes élucubrations, et que ceux qui suivent mes anecdotes quasi surréalistes (sur http://low-stakes-poker.blogspot.com/) aient enfin de quoi alimenter leur soif inextinguible d’envolées lyriques à période régulière. Parce que mon actualité poker se résume à un post par mois alors que ma vie n’est pas un épiphénomène mais un post qui ne s’arrête jamais, parce ce que j’ai la chance de parcourir 52 pays de cette planète et que je ne me contente jamais des murs affables de mes chambres d’hôtel dans mes nuits d’insomniaque. Et parce qu’enfin, le démon de l’écriture caresse doucement ma nuque puis y plante avec violence des ongles acérés dans mes soirs de mélancolie, de ces jours sans envies à ces jours ou je vis cents vies. Que je sois lu ou non, pour moi ou pour d’autres, je pose la première prose de ce nouveau blog. Veuillez par avance excuser l’auteur qui se livrera comme jamais sur son passé, son présent et ses espoirs, veuillez excuser sa franchise mais il ne vous mentira pas, ne cachera rien, veuillez excuser les blessures qu’il portera à ceux qui ont croisés, croisent et croiseront sa route.

Life after Love. J’ai longtemps hésité sur le nom à donner à ce blog, et tour à tour il aurait pu s’intituler : Une vie à l’ombre des mancenilliers, Nouvelles sous endorphine, Ce qui reste après l’amour, Mémoires non posthumes, etc. Finalement, j’ai regardé la biographie filmé de Christopher Wallace et sur le générique de fin j’ai vu que nous étions nés le même jours (il est de 3ans mon aîné), en clin d’œil à cela j’ai voulu baptiser ce recueil de vécu et de pensées en analogie au titre de son dernier album, Life after Death. Life after Love, adolescent je me demandais si il y avait une vie après les études et alors je me suis mis au travail, chômeur je me suis demandé si il y avait une vie après ma mort sociale et économique et alors je me suis mis au travail, et maintenant après neufs années de vie amoureuse, maintenant que l’amour est mort que me reste-il ?

Je suis à un age où les rêves se sont évaporés, certains sont encore là, ils persistent dans leur ridicule, leur corps gît inerte et froid sur le sol convulsant à la moindre brise sur leur échine. Aller, mourrez donc ! Vieux joujous cassés, asphyxiés dans la poussière que laisse votre chair en décrépitude. Mourrez donc, que seul votre souvenir me hante, qu’une larme s’échappe en résurgence à la vue d’une photo je peux le supporter mais je ne résiste plus aux relents de votre sapidité capable d’enivrer jusqu'au coma.
Réminiscences. Je me souviens de mon ancien binôme, Pierre aka Bouba, un soir de décembre dans sa chambre universitaire sur le campus d’Orsay. Nous étions là à discuter de choses futiles et de d’autres capitales dans nos vies de l’époque. Et puis, au beau milieu de cette conversation, il m’a dit avec une flamme étrange dans le regard des mots qui font échos jusqu'à aujourd’hui. Un paquet de Pepito à la main, il me disait que nous devions décider ce que nos vies serait demain, que le temps nous était compté, que nous avions jusqu'à nos 35ans pour réussir nos vie qu’après c’était foutu. Bien sûr je rigolais, et il reprenait son développement oratoire. Patrick, me disait-il, la vie est une course contre la montre jusqu'à 35ans puis un compte à rebours jusqu'à notre mort, en 35 ans on doit apprendre qui on est, apprendre ce que l’on va faire de sa vie et trouver avec qui la partager.. Et crois moi, ces trois trucs la sont les trucs les plus durs jamais imaginés par dieu pour nous mettre à l’épreuve. Je prenais un Pepito avant qu’il ne finisse le paquet dans l’homélie qui visiblement le rendait boulimique, et fasciné par tant de convictions, moi qui n’en avait aucune, j’étais alors réceptif. Il poussa ma main du paquet et continua, tu sais, j’ai eu confiance en toi dès le premier regards (bon, j’ai eu tort soupira t-il en souriant) parce que toi t’as un truc, les gens ils te font confiance, moi il faut que je bosse. Mais tu sais, je te dis ça par ce que je ne sais toujours pas qui je suis, je ne sais toujours pas ce que je vais faire de ma vie a part qu’il faut que ça paye car j’ai la dalle (on se mis à rire tout les deux) mais tu sais, ce week-end, j’ai rencontré la femme de ma vie.
J’étais totalement sur le cul. Il semblait a présent comme envoûté par quelque charmes tribaux, et ne s’arrêtait plus. La dernière fois tu m’a parlé du Satori de maître Ueshiba, Pat, j’ai eu la même chose, cette fille sera ma femme, j’ai réussi un des trucs les plus durs sur terre. J’ai trouvé avec qui vivre le compte à rebours.
Je ne sais plus quels furent les autres déviations de notre conversation, tout paraissait fade après ça, par contre je me rappelle que dans ma voiture qui peinait a démarrer ce soir la à cause du froid, j’étais terriblement jaloux de cette lueur dans son regard. J’enviais cette certitude, plus que sa cause, plus que ses conséquences. Il était comme Archimède à qui on avait donné un point fixe, il pouvait faire bouger le monde, son monde. Le lendemain, je quittais ma petite amie car je voulais moi aussi trouver ce sentiment de plénitude, et parce que j’avais inventé le théorème de mes peurs laconiques: si il n’y a pas d’amour entre nous alors il n’y a rien d’autres que deux corps qui s’entrechoquent. Le silex de nos deux corps se doit de produire des étincelles.

Un longue période de doute me submergea, sur mes désirs, sur ce que j’étais. Bizarrement le hasards mis sur ma route quantité de filles a cette époque, comme quoi l’homme triste attire, mais rien n’y faisait, j’étais vide, elle n’étaient que des corps. Je passais alors beaucoup de temps hors des cours et aujourd’hui je suis incapable de dire ce que j’ai fait durant ce temps libre, à part perdre du temps. Un mercredi, je décidais de faire quelque chose pour changer tout ça et j’appelais celle que je considérais comme l’archétype féminin, Audrey, la Betty Draper de la série Mad Men, et lui donnait rendez-vous pour déjeuner.
Le jeudi matin, je n’avais aucune idée de ce que je voulais vraiment mais pris d’une folle frénésie je me mis à tout démonter dans l’appartement, j’installais une table dans ma chambre, changeai les meubles de place, préparai deux assiettes, le CD de R Kelly sur la platine préprogrammé sur les slows qui tuent et…j’avais oublié de faire le repas. Je sorti mon joker pizza de ma poche et me dit que le repas importait peu, je devais faire une mise en scène pour camoufler mon stress total et la désorganisation. Tout était prêt (dans la mesure du chaos que j’avais généré), j’avais même une rose posée sur le tableau de bord, et la preuve la plus tangible de ma fébrilité est que j’étais à l’heure au point de rendez-vous. La bise traditionnelle et mon émerveillement au parfum du shampoing dans ses cheveux passé, le trajet en voiture me parut durer une demi seconde. Sur le parking, j’improvisais ma mise en scène en temps réel, je bandais ses yeux et lui pris la main. Je la guidais dans l’escalier, puis dans la chambre, lançait la voix du homeboy de Chicago et lui ôtait son bandeau. Tout alla très vite, j’étais paralysé. Elle me posa des questions, apposa ses doigts sur le clavier ergonomique (accessoire vintage pour geek de nos jours), elle semblait aussi troublée que moi. Et puis elle regarda l’heure, elle devait partir, ses cours reprenaient…j’avais oublié qu’il y avait une vie dehors et même avant cela je n’avais imaginé que cet instant ai une fin. J’arrêtais le CD et la raccompagnai tout étourdit par ce retour au réel.
Sur le chemin, dans sa curiosité elle ouvrit la porte de la cuisine où j’avais entassé tout le bordel mis le matin. Quel effroi, elle avait vu l’envers du décors, mais quelle idée d’aller en cuisine…elle avait cassé quelque chose dans cet instant. Je la déposais devant son université, mes mains étaient moites, l’habitacle était imprégné de son parfum mais quand elle bougeait la tête c’est son shampoing qui me rendait nerveux, j’aurais voulu la kidnapper et le temps que cette pensée me traverse l’esprit, que je lui offre la rose, lui demande de rester, il ne restait plus que son odeur, elle courait vers son avenir. Je suis resté la, comme un con, pendant cinq minutes à ne rien faire et j’ai pris une feuille de papier, un stylo et j’ai écrit. Dans mon texte je lui disais adieu car je savais qu’on ne se reverrait plus et je lui disais j’avais compris que je ne l’aimais pas, j’aimais l’image que j’avais d’elle.

Je froissais le papier encore transpirant de mes mots et le jetais par la fenêtre, le soir je passai voir Natacha. Quand j’arrivais, deux types inconnus étaient affalés sur le sofa avec un énorme joint, elle était très aérienne. Ils venaient de tourner un clip de ragga, elle ne m’avait rien dit, je pensais intérieurement que ce n’était pas ma journée. Un des types se mit à me parler de l’éducation des enfants, il s’entêtait a penser que j’étais prof, que j’étais un type bien avec mes ptites lunettes d’intello. Je le méprisais, lui et tout ce qu’il représentait, j’avais envie de vomir sur son âme. Je regardais Natacha, elle était belle, elle était encore plus paumée que ces deux rebuts de la société sur son canapé, j’étais triste pour elle. Je m’emmurait dans un mutisme volontaire, j’observais leurs gestes saccadés comme des pantins que le marionnettiste était fatigué d’animer. Je me levais après une demi-heure tapis dans l’ombre, totalement oublié par la troupe, je lui pris le bras et la poussa dans la demi pièce voisine. Je l’embrassais sur le front, la pris dans mes bras et lui murmura dans l’oreille de faire attention, de garder le contrôle de la soirée. Elle recula, me dit que j’étais trop sérieux, avança, m’enveloppa de ses grands bras à son tour et se mis à pleurer, elle me dit que sa mère était malade et recula a nouveau en essuyant sa joue. Je lui pris la main, l’embrassa à nouveau sur le front, les tempes, les paupières, les joues, les lèvres et lui murmura: adieu. Je partis sans me retourner.

J’avais tourné une page sur ma vie, mes amours. J’avais laissé la blonde, sa lumière, sa grâce, sa douceur et son parfum partir sans avoir la force de la retenir. J’avais laissé la brune, son monde sombre, sa tristesse, la chaleur de ses bras pour partir. J’étais libéré des tout mes maux, de ces deux faces de la même pièce, dans la coïncidence d’une même journée.

Life before Love ? Non ! Juste Life before, le reste cela se mérite.