vendredi 17 avril 2009

Life before, chapitre 2: Val

Les gens se croisent mais ne se regardent pas, se sourient mais ne se parlent pas, se parlent mais ne s’écoutent pas. Parfois leurs mains se touchent, leurs lèvres s’écrasent sur des joues, parfois même ils se collent les uns contre les autres, se respirent ou se goûtent. Mais disant cela, je ne fait qu’enfoncer des fenêtres déjà grandes ouvertes sur le vide qui emplie nos relations entre mortels. Se connaître ne veux pas dire se connaître. Notre plus grand paradoxe est que cette intimité que l’on veut gardé par le dragon Ladon de nos consciences n’est qu’un jardin aride délaissé par les Hespérides, sa vraie valeur n’existe que si on la dévoile. Et tout ce mal que l’on s’inflige à vouloir dans des élans sincères mais futiles et maladroits a se protéger ou se libérer est comme l’ultime présent à l’autre.

Cette histoire se déroule bien avant le chapitre I…

Il était tard, j’étais assis sur le sable d’Almeria. Quelques nuages nous cachaient les étoiles mais la lune pleine veillait sur nos silences. Elle avait la tête sur mes cuisses, mes doigts emmaillaient et démaillaient tour à tour ses cheveux bruns tandis que ses poumons se gonflaient pour ensuite relâcher un soupir. Elle se tourna pour me faire face. Tu me pardonne ? demanda-elle anxieuse. Et comme je ne disais rien, elle se retourna encore face à la mer. Un nuage passa devant la lune, nous confinant à l’obscurité et quelques gouttes se mirent à tomber éparses sur mes avant-bras. Tu veux y aller, Val ? lui demandais-je. En guise de réponse, elle enfonça sa tête sur mes cuisses comme pour elle aurait fait avec un oreiller pour préparer sa nuit et elle répondit: Non, attendons la pluie.
Les gouttes se mirent a tomber avec une plus grande fréquence, je penchais sans y penser mon buste pour lui servir d’abri et inclinait ma main sur son front afin d’éviter que son visage ne soit trop trempé. Elle se mit à rire : et maintenant tu me pardonne ? Tu compte me faire attraper la crève si je ne te pardonne pas, c’est ça ton plan ? Elle se remis à rire. Tu sais, repris-elle, quand je suis avec toi j’ai l’impression d’être vraiment la personne la plus chanceuse au monde, tu as milles attentions si discrètes que souvent on ne s’en rends même pas compte. Je haussais les épaules. Mais des fois j’ai envie de te taper quand tu ne dis rien, ça me rends folle. Tu me rends folle, j’ai en vie de hurler tellement je t’en veux d’être toi. J’apposais ma main sur sa bouche pour la faire taire, je pris un coup de poing dans le ventre, puis un autre sur l’oreille. Nous étions déjà trempés. Elle se leva, des insanités fusaient de ses lèvres avec un flow digne des Bone’s Thugs & Harmony mais je ne l’écoutais pas. Je regardais l’eau ruisseler sur son cou et s’immiscer dans les courbes de sa poitrine. J’avais envie de me jeter sur elle, de lui mettre la tête dans le sable dans la violence subite d’un coït passionné. De me laisser aller à mes instincts primaires. Mais au lieu de tout ça, alors que la solution la plus plaisante était aussi la plus saine, je lui lançais une phrase assassine : Ok, c’est bon tu m’a saoulé, on arrête la. Elle se tue, visiblement elle ne s’attendait pas à ça, moi non plus, quelle phrase à la con. Je ne me souviens pas de la suite.

Le lendemain, le soleil était timide au réveil mais durant notre trajet en bus vers Séville, il s’était bien rattrapé. La visite de la ville fut un enfer, un groupe de trente ados débiles déambulant dans le quartier de Santa Cruz en ne pensant qu’a acheter des glaces, traversant Giralda pour y trouver de l’ombre, même l’Alcazar n’avait suscité le moindre intérêt. Apres ces vaines heures, éreintés par la canicule nous reprenions le bus en direction de Granada.
La journée n’avait rien changé, j’étais seul dans un coin du bus, Val était quatre sièges plus bas, nous n’avions pas échangés un mot. Derrière nos lunettes de soleil, nous nous étions épiés, chacun cherchant un signe de flexibilité chez l’autre, une porte d’entrée. Mais j’étais trop fier et elle trop passionnée. Nous n’étions séparés par quelques mètres, ne pensant l’un et l’autre qu’a l’autre, je ne voulais que d’elle et j’attendais qu’elle fasse un pas, elle attendait la même chose. Alors comme souvent lorsque nous ne trouvons pas le courage ou n’avons pas la décence de décider de notre futur, la vie décide par elle-même et le résultat correspond rarement à nos souhaits.
L’arrêt à Granada ne dura que le temps d’une dizaine de battements de cils. Nous allions repartir quand une fille tomba dans les paumes. On lui apporta de l’eau, elle avait une insolation. Nous étions tous ensemble depuis deux semaines mais je la connaissais pas, elle ne faisait pas partie de mon groupe restreint de fêtard compulsifs. Elle était d’Isbergues, une ville vers Calais, devait faire un mètre quatre vingt cinq, et les long cheveux noirs qui descendaient sur sa robe en flanelle beige faisaient ressortir le teint rubicond de ses épaules. Elle avait cramé. Je ramassait les sandales qui avaient glissées de ses pieds tandis qu’on l’aidait a monter dans le bus. Quelqu’un la mise sur le siège a cote de moi. Elle pleurait.
Le bus reparti. J’étais embarrassé par ses larmes, ne sachant pas trop quoi faire. Je pris mon walkman et lui passa un des écouteurs intra conques, elle me dit merci. Le fil des écouteurs était court, elle se colla à moi, je passait un bras par-dessus sa tête et elle posa la tête sur ma poitrine. Bob Marley chantait tranquillement ‘Waiting in vain’ quand ses larmes avaient séchées. La nuit tombait, je regardais par la fenêtre pour voir si la lune était aussi grosse et brillante que la veille mais je ne l’apercevait pas. La fille du nord, avait toujours la tête collée sur ma poitrine, la K7 avait déjà fait plus d’un tour et Bob chantait ‘Satisfy my soul’. Je lui soulevais doucement le menton et lui demandais : Ca va mieux ? Elle m’embrassa. Ce baiser dura jusqu'à notre arrivée.

Nous primes rendez vous avec mes amis habituels pour se retrouver le soir dans notre tanière de débauche. Je me sentais mal, je ne savais pas comment gérer cette fille inconnue qui était désormais mienne, et cette soirée confronté à celle que je voulais vraiment. Comme souvent face à un mur, je décidais de ne pas dépenser d’énergie à y penser et de réagir une fois en face de celui-ci. Sur la route menant à notre bar, je croisais Frank, un des type avec qui je traînais le soir. Il me faisait rire. Il me prenait pour un modèle a suivre, me sortant des trucs du genre ‘direct tu l’a enchaîné la Lilloise’, ‘Laisse nous en quelques unes dans le groupe’, ‘Ta tête arrive au niveau de ses seins’. Sa connerie m’a déstressé, il ignorait que j’étais psychologiquement à la rue…
Arrivé devant le bar, ma grande brune était déjà la, hyper souriante. Elle avança vers moi, sa courte jupe légère dévoilait ses cuisses à chaque pas, elle m’embrassa, j’étais sur la pointe des pieds. Une fois dans le bar, les choses avaient un goût différent des nuits précédentes, tout se passait sans heurt. J’avais pris l’habitude des soirées animées avec Val la folle, et la, tout était calme. Elle était très câline, se présentait à tous mes amis, j’étais très embarrassé d’autant que dans son coin celle qui avait les faveurs de mon cœur assistait a tout sans un mot. Et je ne faisais toujours rien pour changer la situation.
Je raccompagnait ma fille du nord et le long de la plage je ne trouvais toujours par la lune. Nous nous allongeâmes sur le sable froid et la température monta. Mes doigts courraient le long de son cou, seins, hanches jusqu'à des zones plus intimes. Elle se cramponnait à moi comme si mon corps déjà collé contre le sien n’était toujours pas assez près, comme si elle ne me sentait toujours pas assez. Puis dans un feulement elle se relâcha complètement, jetant la tête en arrière sur le sol, laissant ses bras rouler le long de mon dos. Je dégageais son regards derrière ses cheveux, son rimmel avait coulé laissant de noirs sillons sur ses tempes et ses joues. Ca va ? demandais-je. Trop bien me répondit elle. Je ne comprenais pas, elle caressa mon visage avec tendresse. Pourquoi je ne t’ai pas rencontré plus tôt ? Et voulant faire de l’humour, je sorti un connerie comme à mon habitude dans les moments intenses. Je ne me souviens pas de ma super boutade du moment, mais elle se mit a me serrer dans ses bras de toute ses forces et sur le chemin du retour me raconta toute sa vie. Sa vie était pleine de drame, de choses que je n’ose écrire par respect pour sa mémoire et je compris vraiment que j’étais sans nul doute la personne la plus désintéressée et la plus attentionnée quelle avait rencontré. La, devant la porte de son immeuble, sous l’escalier, derrière les boites aux lettres, ce fut la première fois, elle et moi.

Le lendemain, au réveil, quand je tirais le store de ma chambre d’étudiant en exil dans le sud espagnol, il me tomba dessus manquant de m’éborgner. Je descendis les marches l’air de rien et quand la vieille qui m’hébergeait me parla du bruit matinal dans son espagnol incompréhensible je lui répondis qu’il avait fait chaud a Séville.
Les cours d’espagnol, ce matin la étaient tendus, mon binôme était désormais mon ex-amie. En deux jours les situations peuvent changer du tout au tout, nous ne nous parlions plus, et la bigote qui officiait en tant que prof ne comprenais plus rien. Il faut l’avouer, j’étais prêt tout pour elle, elle n’avait qu’a dire un mot, mais rien....A quinze heure, je pris ma raquette de tennis et partit prendre ma raclée quotidienne contre un espèce de nain blondinet qui se la jouait sourire Ultra-Brite a chaque ace. A 17h, alors que serviette sur la tête je tentais de récupérer mon souffle, une main glacée passa sur mon cou, ma grande brune était la.
Je me suis pavané ainsi, fringant comme un coq au bras de cette fille que je n’aurais jamais approché si le hasard ne l’avait mise sur ma route, en souffrant à chaque regard de l’autre. Je n’avais plus le choix, je faisais ce que tous mes potes attendaient de moi, je jouais le type blasé supacool. Je ne voulais pas la blesser, d’autant qu’elle comblait ma lubricité d’ado mais une fois seul, une fois devant le miroir je baissais les yeux. Cela a duré jusqu’au train du retour vers Paris.

Nous étions dans un train de nuit, quatre par loge couchette. J’étais avec Frank, le blondinet et étrangement une fille, Catherine, rousse marrante qui venait de Normandie. La cabine d’a cote était pleine de filles, dont Val. Ma girafe était dans le wagon d’a cote, c’était notre dernière nuit ensemble et mes potes avaient accepter de nous laisser la cabine, je dut soudoyer Catherine. Ce soir la, il ne se passa rien, elle était collé à moi, pleurant durant tout le voyage alors que je ne pensais qu’a des choses salaces et voulais sortir de cette ode au mouchoir interminable. Quelqu’un frappa à la porte. J’allais ouvrir, et la lumière entra dans la pièce en même temps que la gifle que je reçu. C’était Val : T'as encore fait une connerie ? J’esquivais la seconde salve. C’est quoi ton truc, rendre les filles malheureuses ? J’étais heureux, elle me parlait pour la première fois depuis des jours, je me mis à rire: mais t’es vraiment une malade! Elle avança, je reculais. Ce n’est rien, elle ne veux pas rentrer c’est tout….il y eu un long silence…Nous restâmes tous les trois assis dans le noir jusqu'à Paris, sans dire un mot. Je pris leurs adresses, leur numéros, je ne pouvais rien leur donner en retour car je ne savait pas ou ma mère avait décidé de vivre.

Finalement, une semaine plus tard, j’aménageais dans le 77, dans les bois de Cesson-la-Foret. Et après que nos coups de fils se soient espacé jusqu'à ne plus être, ma vie avait repris son cours asthmatique. Un jour, je faisais un échange de comics sur les Ulis. En descendant la rue, je tombais sur un type qui m’arrêta du bras. Patrick ? T’es Patrick pas vrai ? C’était un black de cinq à six ans plus âgée de que moi, assez baraqué, je ne le connaissais pas. Il enchaîna, Ah mon pote, je sais tout de toi, Val, elle parle sans arrêt de toi. J’ai l’impression qu’on est cousin, non en fait je te connais mieux que mes cousins…il riait fort, ça me dérangeait. Les gens nous regardaient. Je souris bêtement car de toute façon vu sa largeur de buste j’aurais mis au moins 3secondes pour le contourner, trop long. Il ne s’arrêtait plus de parler : Et tu l’a vue là ? elle a pas du t’entendre, elle a toujours un casque sur les oreilles... Je me retrouvais sur Orsay à monter la cote vers le domicile de Val avec ce type bizarre. Il poussa la barrière d'un jardin, puis ouvrit une porte avec ses clefs. Dans le salon, une fille était assise de dos, elle portait un tee-shirt bleu et un short rose, ses pieds étaient nus. Elle se retourna, et hurla : Patrickkkkkk, courra, me sauta dans les bras, me serrant jusqu'à m’étouffer. Le fil du casque n’était pas assez long, il se deplugga de la chaîne hi fi, c’était la voix de Karin White chantant ‘Love saw it’. Elle me présenta, son boy-friend, elle lui dit voila mon meilleur ami en me frappant de son doigt. Elle me fit visiter, j’étais dans sa chambre, petite, un grand lit était collé à une armoire couverte de miroir. Dans le reflet je voyais des photos d’elle et moi sur un banc à Madrid, j’avais une d’entre elles, Catherine me l’avait envoyé. Je dînais avec eux, écoutant de la musique, je découvrais pour la première fois Keith Sweat, Shai, Bell Biv Devoe. Elle chantait, elle riait, elle était heureuse. Son homme me raccompagna en voiture jusqu'à chez moi, je le haïssais, il était trop sympa.
Durant les deux années qui suivirent, je les vus deux ou trois fois pour des anniversaires. J’étais passé à autre chose, mais quand ma mère décida de déménager et que la classe Mat Sup. de François 1er à Fontainebleau devenait trop loin, je signais pour l’école d’ingénieur sur le campus d’Orsay avec mon pote Christophe. Etait-ce un hasard ?

Je crois avoir croisé Val l’an dernier, le week-end du 8 mai non loin du Louvre, je n’ai pas osé l’approcher, on dit que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit mais Thor peut être parfois un peu facétieux.

5 commentaires:

  1. arrete tu vas nous tirer la lamrichette !!!

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  2. SUperbe! courage avance,...j'attends la suite

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  3. de mieux en mieux! quel plaisir de lire une si belle écriture. fluide, aérienne. Ton article m'inspire de la musique: j'ai Otis REDDING (sitting on the dock of the bay) dans la tête, ne me demande pas pourquoi!...

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  4. c'est tré nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnuuuuuuuuuuuuuullllllllllllllllllle

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  5. c'est trée belle histoir wawa!!!!!!!!!!!!!!!!je vous aime!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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