mercredi 5 janvier 2011

Experiences, 1ère partie.

Juste quelques souvenirs dont je ne suis pas fier. De ces tatouages sur nos passés qu'on ne peut pas effacer. Des expériences de vie...


La course

Elle me regardait sans rien dire. C’était une situation étrange. Je n’étais pas habitué à cela. Son corps nu portait encore les stigmates de l’acte. Le long de sa cuisse, un ruisseau translucide échouait sur une tache sur son canapé. Elle se leva, toujours sans rien dire et s’engouffra dans ses toilettes. Mes orteils sur le parquet froid, me suivirent jusqu’à la moquette de la salle de bain. Je me lavais les mains, passais un filet d’eau sur ma face et mon sexe. Mon regards croisa mon visage quand j’eu fini de l’essuyer. J’avais des cernes, le blanc de l’œil était jaune et quelques vaisseaux dans les coins formaient une nébuleuse sanguine.
- Je peux prendre une douche ?
- Oui, prends ma serviette si tu veux…
Je ne voulais pas prendre cette serviette. J’en voulais une neuve, une propre.
- Elle est mouillée. Je peux en prendre une autre ?
- Dans le tiroir du meuble à gauche…
Je fouillais un peu dans la commode et tirait la serviette blanche la plus épaisse du lot. Je la posais sur le lavabo en équilibre et entrait sous la douche. Je fis couler un peu d’eau sur la faïence du mur le temps que le mélangeur délivre un jet tempéré puis sur mes chevilles, jusqu’à mes hanches. Je grimaçais arrivé sur mon aine, elle m’avait griffé. Ma peau était arrachée des deux côtés, mon flanc gauche était plus touché que l’autre. Deux sillons à vifs s’enfonçaient sur mes bourrelets, elle avait accroché ses ongles plus profondément que je ne le pensais. Je passais le pommeau au-dessus de ma nuque, la tête baissée. Je laissais l’eau s’écouler pendant un moment. Je la regardais s’épandre sur le sol pour mourir dans un gouffre. J’avais l’impression que nos vies étaient parfois identiques. On se jetait dans l’abime, pris par le courant.
- Encore la dessous ?
Je ne lui répondais pas, je voulais qu’elle parte, je voulais être seul à cet instant. Juste l’eau et moi puis éponger centimètre par centimètre mon corps. Je ne lui répondais pas.
- Ça te gène si j’entre ?
Je coupais l’eau et sortit ma tête de l’anonymat du pare-douche opaque
- Comment ?
- Tu as fini ? Je voulais venir avec toi...
Elle était toujours nue. Je ne pouvais m’empêcher de regarder son cou, descendre au triangle entre son épaule, son buste et sa nuque. Je remarquais son grain de beauté en plein centre. Sa poitrine juvénile demandait à être saisie à main pleine.
- Oui, ma peau se flétrie. Je n’ai pas vu le temps passé. Je rêvassais. Tu me passe la serviette ?
- Attends je te la change. Celle-là est trop grande, on dirait une serviette de plage.
- Ce n’est pas grave…
- Tiens, celle la sort du sèche-linge.
Elle me tendit, un rectangle de coton vert aux bords cousus de fil jaune. Nos corps se frôlèrent, le sien entrant dans la douche le mien en sortant. Elle me fit un sourire auquel je répondis. Elle empoigna mon sexe au passage.
- A tout à l’heure toi !

Je m’essuyais, pendant qu’elle me racontait sa vie sous la douche. En voyant le petit tabouret en dessous du lavabo, l’idée de maquiller sa mort en suicide me traversa. Je me séchais bien consciencieusement. Je tentais de regarder mon côté gauche dans la glace, sur la pointe des pieds mais la vitre était embuée. Elle parlait toujours. Je posais la serviette pliée en deux sur support accroché au plafond puis ouvrait et fermait avec délicatesse la porte, sans bruit. Je voulu mettre mon caleçon mais il me semble qu’elle s’était essuyé avec. Je fus pris d’un fort dégout pour ce qui venait de se passer. Je mis mon teeshirt, mon jean et fouillait dans ma poche. Mes clefs y étaient, mon portemonnaie aussi. Je regardais la pièce, les vêtements au sol et les verres vides sur la table basse. Un verre était tombé par terre durant nos ébats, il s’était fêlé. On pouvait voir un épais trait graver sa surface lisse. Cette fêlure résonna en moi, elle n’était qu’un écho de moi-même. Je l’entendais sortir de la douche, entrer dans sa chambre. Elle dit quelque chose mais je ne l’entendais pas, je ne l’écoutais pas. Je pensais au verre sur le parquet.
Je saisis ma veste. J’ouvrais la porte et la fermait sans faire de bruit. J’appuyais sur le bouton l’ascenseur. Je trépignais. Je ne voulais pas qu’elle m’intercepte. Je fus pris de panique. Mon cœur s’emballait, l’ascenseur arriva. J’entrais dedans et me rendis compte que j’aurais pu dévaler les escaliers, il n’y avait que 3 étages. Et, pendant qu’il descendait lentement, je l’imaginais me poursuivant comme dans un film, un thriller haletant ou le héros cherchait à s’échapper de l’antre du tueur maléfique. Mon cœur battait encore plus fort quand arrivé au rez de chaussé un bruit de gong émana de la cage de métal pour signifier l’arrivée. Je serrai les poings, arrivais à la porte de l’immeuble. Le bruit du bouton nécessaire pour sortir pouvait réveiller une armée, je me retournais mais rien. Je franchis le seuil.

Un lampadaire éclairait encore alors que le jour naissait derrière les voitures garées. La rue était déserte, le coin de la rue était à une cinquantaine de mètres. Trop loin ! Pensais-je. Tant de distance à faire pour disparaitre du champ de vision. Je me mis à courir. Courir si vite, mon cœur était prêt à exploser. Je m’arrêtais deux rues plus loin, sur de ne pas être suivi. Il y avait un garage. Je mis mes mains sur mes genoux, le corps en équerre pour reprendre mon souffle. Mais qu’est qu’il m’était arrivé ? Pourquoi j’avais fuis ainsi ? Pourquoi tant de culpabilité ? Je me sentais tellement sale. Je me sentais tellement triste. Je m’asseyais a même le sol.
C’était juste une aventure d’une nuit, je n’avais même pas entendu son nom, je m’étais contenté de sourire et de suivre les évènements. Pas de nom, pas de numéro, juste le souvenir d’une course au petit matin un poison inconnu dans les viscères. Je suis juste parti, j’ai juste fuis car ce n’était pas elle que je recherchais, elle n’était qu’une expérience ratée.

La femme et la fille

Je rentre dans la boite de nuit. Il est tard, je suis fatigué. Je ne sais pas trop ce que je fais là, j’avais besoin de sortir, de trancher ma routine. Je m’arrête au bord de la piste, je vois une grande blonde qui gigote maladroitement. Je rigole. Je reste un moment à la regarder et fini par oublier que ses gestes désordonnés sont ridicules, elle exprime une forme de liberté. Je me retourne et voit quelques femmes plus âgées sur un canapé. Je détaille machinalement leurs vêtements, leur maintien, leur maquillage. Une d’entre elle me remarque et me souris. Mon œil lui fait un clin d’œil machinalement, sans pensée perverse, juste par politesse.
J’avance vers le bar. Le barman est un asiatique, je l’observe verser un godet de vodka au millilitre près pour un client. Je rigole. Il s’approche de moi et tends l’oreille. Je ne sais pas quoi lui dire, je n’ai pas soif et même si je voulais boire je ne saurais pas quoi prendre. Je suis juste la car je ne sais pas où aller dans e club. Je me sens obligé de lui crier une marque d’alcool, j’imagine que mon mot descendra le long de son couloir auditif et actionnera son bras vers quelque bouteille d’âpre breuvage. Je ne sais pas ce que je lui ai dit mais il semble s’agiter. Je reçois un verre pétillant et translucide. Un Gin Tonic ? Je le porte à mes lèvres, bois et grimace. Une main se pose sur mon dos. La femme au clin d’œil est à côté de moi.
- Qu’est-ce que vous buvez ?
- De l’hydromel moderne.
- Hydromel ?
- Juste de la chimie prepubere servi dans un récipient mal lavé…
- De l’alchimie ? vous parlez bizarrement…
- Non, de LA chimie…
Elle était devant moi et me dévisageait. Je souris poliment. Elle n’avait pas compris un mot de ce que je venais de dire.
- Vous ne dansez pas ?
- Je bois…
Elle ne bougeait pas. Je souriais toujours.
- Vous avez un beau sourire
- Merci
- Allez, on va danser…
Elle me prit la main et me tira vers la foule. Une fille recula et écrasa son talon en plein centre de mon pied. Mon bras s’écarta en reflexe et renversait une partie du contenu de mon verre. J’avais la manche et main trempée. La femme ne remarqua rien, elle me tirait toujours vers le centre de la piste. Une fois au milieu elle se colla à moi et se mis à bouger ses hanches. Elle dansait une sorte de chorégraphie lambadaraggatechopoplatin. Un ‘je-me-frotte’ arythmique endiablé. Je souriais toujours, comme un masque vissé sur ma tête. Elle bougeait de plus belle. Cela me semblait interminable. Je me disais qu’elle finirait par manquer de souffle, mais rien, elle se frottait toujours. Je sentais sa sueur dégouliner sur ma chemise, Je lui fis signe que j’avais chaud afin de m’éloigner. Elle souffla pour me faire comprendre qu’elle aussi. Je reculais pour me retirer, elle me suivit.
A l’écart de la piste, elle déboutonna sa robe-chemisier. Ses sous vêtement maintenant apparents, les cheveux attachés, elle suait toujours mais cela semblait être moins sale. Je suis un animal, pensais-je en me surprenant à vouloir lécher son cou. Je tournais la tête et regardais la piste. La grande blonde gesticulait toujours, faisant des courants d’air avec ses bras maculés de taches de rousseur. La femme se mis à me parler de nouveau.
- Tu t’appelles comment ?
- …Christophe….
- Amélie
- Ok
- On s’assied ?
Je ne sais pas pourquoi j’avais menti. J’imagine que je ne voulais pas m’impliquer.

Quelques heures plus tard, je n’avais pas bougé du canapé. J’étais entouré de quatre femmes plus vieilles que moi, une collé à mon bras. J’étais incapable de savoir si c’était la même que précédemment, alors je descendis la tête au niveau de ses yeux pour mieux la voir. Elle du croire que je voulais l’embrasser et m’avala les lèvres. Ma main se posa sur sa cuisse. Elle redoubla d’effort avec sa langue et posa son autre cuisse sur ma main. J’étais un comme papillon cloué vivant sur un tableau. Personne ne venait me délivrer.
- Christophe, on y va mon doudou ?
J’étais horrifié. Elle m’avait appelé doudou ! J’avais l’impression d’avoir glissé dans un monde parallèle ou d’être devenu une sorte de caricature de l’antillais de service. J’avais envie de vomir. Je voulais me cacher sous le canapé et disparaitre.

Je regardais le réveil. Il était 9h. J’étais assis sur le lit en chaussettes et caleçon. A côté de moi, j’entendais respirer cette femme avec qui j’avais passé la nuit. A travers les rideaux, le soleil filtrait une douce lumière sur mes mains. Je les passais sur mon visage comme pour me laver avec ses rayons. Mon jean était par terre, je l’enfilais. J’avançais jusqu’à la cuisine et pris un verre d’eau. L’appartement était décoré avec gout, sans surcharge de babiole, juste quelques photos accrochées au mur. Elle devait avoir une fille. Je m’assois devant la télé et me mis à regarder Arte, une émission sur les volcans. Je n’étais pas vraiment passionné mais je restais là, je ne savais pas vraiment ce que je foutais là. L’émission suivante était une sorte de reportage sur l’architecture, une histoire de verre et de métal avec des images de synthèse simplistes pour expliquer comment le tout tenait sur un édifice. Une ombre se projeta sur le sol. Je me retournais.

Une fille d’environ 16 ans se tenait devant la porte du salon. Elle avait de longs cheveux châtains qui descendaient sur ses épaules. Elle portait un débardeur rose pâle et un boxer noir. Elle était belle, ingénue et rayonnante. Elle me fixait.
- Vous êtes qui ?
- Pa…Christophe…
- Vous sortez d’où ?
- …heu….
- Vous avez dormi la ?
- …non, je n’ai pas dormi. J’ai regardé une émission sur les volcans.
- Quoi ? Elle fait chier ma mère avec tous ses tarés ! Moi aussi je rentre de boite bourrée, mais j’ramène personne à la maison
- La télé t’a réveillée ? Excuse-moi…
- Ta gueule toi ! Crevard !
Je la fixais. Ces yeux étaient larmoyants. Je me levais, elle recula. Je me rassois.
- Je ne savais pas….qu’elle ne vivait pas seule
- Ouais…j’existe pas
- Tu veux du Nutella ?
- Je vais chercher une cuillère.
Elle revient s’assoir à côté de moi. Le pot de Nutella entre nous deux, on alternait pour se servir tout en regardant notre émission d’architecture. On ne se parlait pas, on était bloqué devant le poste de télévision. Puis sur générique de fin elle me dit :
- J’ai jamais regardé cette chaine…c’est….j’aime bien
- J’aime bien aussi
- …

Je mis ma chemise. On se fit la bise et je descendis les escaliers. Au premier palier quand je me retournais, elle me fixait toujours. Je lui fis un sourire timide et elle en fit un énorme qui me réchauffa le cœur.
Je pense à elle quelque fois, j’espère qu’elle est heureuse et sa mère moins triste.

mardi 4 janvier 2011

Psychostasie


Interlude

Lorsque l’on se rencontre, les questions sont toujours les mêmes mais les réponses sont toujours différentes. L’autre chamboule nos certitudes, il répond à des attentes qu’on ignorait avoir et comble les vides que son absence crée. Lorsqu’une histoire débute, nous sommes dépendants de cette endorphine nouvelle, nos sens se muent en moteurs d’un corps que portait jusqu’alors la raison, et toute cette adrénaline qui nous rends si confiant en excédent et si faible en pénurie. Nous doutons comme une rébellion de l’encéphale tandis que le sang afflue en d’autres parties de notre organisme spongieuses ou musculaires. Nous perdons nos règles, réinventons nos jours. Notre regards va plus loin, parfois même plus profondément. Et lentement, le coté droit s’allie au coté gauche pour reprendre la situation en main, la tète se ligue pour dominer de nouveau. Nous sommes des animaux dressés, apprivoisés par des schémas sociaux, des patterns comportementaux et contraints par nos moyens physiques, intellectuels et économiques à être dociles. L’état amoureux pur et intégral n’est qu’un battement de cils, parfois le temps s’arrete mais toujours il reprend ses droits et les yeux s’ouvrent sur nos amours. Certains prennent au vol quelques poussières sur l’iris et se frottent, les larmes expulsent le corps étranger et l’œil rougis contemple le métronome impassible.
Parfois, je me sens si léger que je fronce les sourcils et baisse la tête de peur qu’une brindille ou un insecte ne percute mon globe à nu mais rien ne protège de cela. Le vent nous empale, l’amour est une bourrasque.


Psychostasie

J’étais avec Déborah au téléphone, on se disait qu’il fallait qu’on se revoie. On se parlait de choses banales, et puis elle me posa une question.
- Tu es encore avec Maryline ?
- Oui…
- Qu’est ce que tu fais avec cette fille ? Vous êtes totalement différents…Elle est…négative… Je ne sais pas comment le dire…
- Elle a juste besoin d’amour
- Mouais…t’es aussi fou qu’elle !...c’est sur
- Je sais, un jour elle va me tuer et se tuer après parce qu’il n’y aura plus de Nutella…

Je m’étais déjà souvent posé la question, j’avais souvent le sentiment d’être la goupille d’une grenade. Elle avait jeté un sort sur ma raison, notre histoire est celle d’une passion, le cœur sur une balance, une psychostasie.

Notre rencontre est tout ce qu’il y a de plus banal. Un soir je passe à la résidence étudiante de Supelec pour voir Nathalie, une amie qui y résidait. Le squat dans la chambre de Nathalie s’organisait, j’étais avec Eric un pote de ma promo, puis nous sommes rapidement 5 puis 7. Nat passe mon album de Dru Hill, une fille entre. Habillée tout de noir, petite, avec un gros sac en bandoulière. Elle s’arrête sur la musique.
- T’écoute Dru Hill !! tu me surprendras toujours
- C’est Pat’ qui me l’a passé
- Pat, c’est qui? … J’adore la voix de Sisqo !
Elle avait capté mon attention.

Je devais passer la voir à sa résidence universitaire, plus bas, afin que l’on s’échange des CDs.
Un peu paranoïaque, elle n’avait pas confiance et ne voulait pas me passer les disques, je devais lui apporter des K7 pour qu’elle me fasse des copies. Et, comme j’étais boulimique de musique, je passais deux, trois fois par semaine à sa chambre pour écouter des nouveautés et pirater les sons. Je l’apprivoisais et quelques semaines plus tard j’eu le droit d’amener trois disques par rencontre. Bien entendu, se voyant beaucoup, on discutait également beaucoup de tout et de rien et les soirs où je ne passais pas, on s’appelait. Elle aussi, m’avait apprivoisé.

C’était une époque étrange, je sortait beaucoup mais ne voyais pas vraiment mes amis. Pierre aka Bouba débutait sa romance, Chris était avec Caroline, Luc assez loin, etc. Je sortais beaucoup, découvrait la vie de la capitale la nuit, une vie qui me dégoutait. Le monde n’était qu’un ramassis d’ordures émotionnelles, une déchèterie pour sentiments, et dans cette fange n’émergeait que la rancœur, le ressentiment, l’égoïsme et la cupidité. Je me sentais exclu de toute chose, je me sentais seul. Dans ma nuit, j’avais croisé Emmanuelle de nouveau un soir, elle avait baissé la tête et rougit à mon regard, elle était comme une preuve que la lumière existait. Et puis, il y avait Deborah dans mon entourage, son sourire était un baume sur ma vie, je le regardais jusqu’à en être ivre, sans elle je ne sais pas ou ma chute intérieure aurait terminée. J’avais décidé de ne pas l’approcher pour ne pas risquer de perdre cette ancre dans le monde réel. Je restais alors muet, tapi dans l’ombre tandis qu’elle projetait sur les choses simple du quotidien une parfaite lumière.
Bientôt je n’allais plus en cours, je trainais ma carcasse voutée dans les salles obscures de St Michet et passait mon temps à visionner des Woody Allen et des Kurosawa, la vie avait plus de sens dans leurs scenarii. Les héros D’Allen cherchaient l’amour, la reconnaissance, ils luttaient contre leur moi intérieur, leurs phobies, les acceptaient, les transcendait et parfois l’échec était envisageable avec une certaine sérénité, une quiétude cynique. Les héros de Kurosawa, avaient un code éthique, la mort était omniprésente dans leurs pensées, il n’y avait parfois ni mal ni bien, la moralité et la justice dépendait du vainqueur, rien n’était préjugé, tout était acte (parfois dans la ruse et la fourberie) et la défaite était un enseignement. Ma philosophie de vie changeait, dans le monde de Chris Claremont qui avait inondé mon enfance, le mal était le mal mais dans mon monde post-adolescent arrosé par un juif newyorkais toqué et un vieil asiatique esthète, le mal n’était qu’une autre vue du monde, une autre perspective sur les choses. La force morale née de notre éducation et de notre expérience formatait cette perspective.

Nos soirs étaient devenus un rituel. Maryline m’écoutait parler. La tête en l’air, une cigarette à la main, elle mettait un disque, allumait des bougies, éteignait la lumière et s’asseyait sur le lit, dos contre le mur, les jambes en croix, sans rien dire, sans un sourire. Elle fumait la, tranquillement, ma voix devenait un chant sur le rythme qui passait. Un soir, elle posa sa main sur le lit et me demanda de m’approcher. J’étais surpris et hésitait.
- Allez…
Je lui obéis. Elle se coucha sur mes jambes. Cela dura des soirs et des soirs, un nouveau rituel. La musique et les bougies, sa tête sur moi. J’avais envie de l’embrasser mais j’étais bien comme ca, je ne voulais rien de plus. Un soir, je rentrais dans sa chambre et elle pleurait, je ne lui demandais pas pourquoi je la pris juste dans mes bras sans échanger un mot, et ce soir la le rituel changea. On se coucha leur contre l’autre jusqu'à l’aube, le disque de Morgan Heritage tournant en boucle. Au premier rayon du soleil, elle ne dormait pas mais n’avait pas bougé d’un pouce.
- Je change le disque mais tu restes la ?
- Si tu veux…
- Promis, tu ne bouges pas ?
- Je ne sens plus mon corps, je ne peux pas bouger
Elle mit demain c’est loin de l’album d’IAM, la touche Replay enfoncée et on resta collés l’un contre l’autre un moment encore. Je me levais finalement, elle grommela, mécontente, insatisfaite et triste. Je descendais et saluait Mme Henry (la mère de Titi) qui me dis un truc en créole auquel je répondis par un sourire, je n’avais pas le droit de dormir la.
Maryline me fit payer mon départ en m’évitant durant quelques jours.

Nous avions prévu un weekend end à Troyes chez une amie, on fini par se retrouver dans la même maison pour 3 jours. J’étais avec Eric dans une chambre, il me demanda ce qui se passait, je répondis qu’il avait quartier libre et que je serais enchanté si mes deux amis devenaient plus intimes. Il se mit à l’ouvrage dès le réveil pour conclure juste avant notre retour sur Paris. Quand je fus rentré chez moi, je me mis à pleurer comme un gamin sans savoir pourquoi, j’étais juste en overdose de ma vie. Je venais de perdre la personne qui soutenait mon mal être.
Le vendredi suivant, je voyais Christophe et Daivy et me sentait mieux, le samedi je rencontrai Héloïse, ce fut une belle rencontre. Je butinais de fleur en fleur jusqu'à la fin de l’année. N’ayant toujours pas approché Deborah, n’ayant toujours pas parlé avec Maryline. Son histoire avec Eric n’avait duré que quelques jours, trop hystérique, trop négative, trop a fleur de peau, trop, trop…Maryline. Un soir je passais la voir pour échanger des CD. Elle me dit qu’elle m’en voulait, qu’elle avait perdu son ami le plus important. Elle me demanda de rester. On se coucha l’un contre l’autre jusqu’au matin. A mon réveil, on s’embrassait, et d’un coup je fus submergé de toute ces choses qu’il y avait en elle, versés en torrent dans le vide de mon âme, en un baiser elle avait rempli mon existence. Je voulais être la pour elle, elle donnait un sens a ce vide car elle était la seule personne qui avait vraiment besoin de moi.

On était finalement ensemble. On l’avait toujours été et en même temps, on ne l’avait jamais été. Quelque chose de très fort et dévastateur nous relia brutalement, quelque chose qu’on avait évité pendant longtemps et dont on ne pouvait plus se défaire. Nos corps étaient en accord, synchronisés. Personne autour ne compris ce qui venait de se passer. Pierre me demanda, Nathalie me demanda,…je ne pouvais leur répondre, un raz de marée venait de passer sur ma vie.
Je ne me souviens pas de ce qui se passa ensuite, entre baisers et mots échangés, je crois que nous nous sommes séparés durant l’été, la France devenait championne du monde. Tout était possible, nous étions invincibles. En octobre, je vins sur Meaux pour passer un week-end amical avec Maryline, il ne le fut pas, nos corps explosèrent sur notre bonjour. Je me rendis compte que dans mes bras elle devenait quelqu’un de différent, mais dès que je m’éloignais, elle redevenait aigrie, anxieuse, versatile, le téléphone nous tuait. Il fallait que l’on soit proche l’un de l’autre pour exister. Elle se mit à faire des kilomètres par semaine pour venir me voir et j’ose croire que nous fûmes heureux mais en vérité je commençais à étouffer. Je commençais à mal vivre ma dépendance et ma lassitude. Quand se voir est contraint par nos sentiments, le manque de l’autre, certains y voient une passion, moi, je n’y voyais qu’une entrave obturant ma vue sur ce que la vie pouvait m’offrir. Aujourd’hui je sais, que ma perspective d’une situation est souvent l’opposée du bonheur, je ne suis pas apte aux sentiments simples. Il faut que mon cœur batte, il faut que mon cœur explose, quand ma course vers l’amour s’arrête, je me sens mourir.

Une aube, en rentrant elle eut un accident de voiture, dérapant sur une plaque d’huile ou surement la fatigue. Elle n’avait plus de véhicule. Elle en voulait à la terre entière, moi y compris. Je savais que l’espacement de nos entrevues signait notre avis de décès. Elle devenait insupportable loin de moi. Les mois avaient passés sans que l’on se rende compte, et tout était très compliqué. Quand ma tante m’offrait un billet pour Tahiti pour mes vacances, je partais seul. A mon retour, je mis fin à notre histoire, tout était devenu trop compliqué et j’avais revu la fille de mes rêves.
Maryline me répondit simplement :
- Dès la première fois où tu me parla de cette fille. J’ai su que je te perdrais à cause d’elle
- Elle est prise, il ne s’est rien passé. Il ne se passera sans doute jamais rien.
- La fille à la rose…ta destinée
- Oui, la fille à la rose
- Fait chier…je n’aimerais plus jamais ces fleurs la…

Quelques semaines plus tard, j’embrassais Emmanuelle, la fille à la rose.


Interlude

Janvier, une brise se lève. Ma vie est comme en léthargie depuis un moment, j’ai froid. Le vent furette entre les poils de mes avant-bras, chois au milieu de mon dos. Je frissonne. Je ferme mes yeux rouges et rêve qu’une larme coulera sur ma joue mal rasée, asséchée par l’hiver. Rien. Je regarde le reflet d’un arbre dans le miroir, ses membres amputés par la saison de leur toison verte. Je nous trouve des similitudes. L’automne a fait tomber les dernières feuilles de mes rêves. Je vais attendre le printemps, je bourgeonnerais à nouveau d’espoirs. Le soleil inondera à nouveau mes racines. Mon dos est courbé depuis si longtemps que personne n’a remarqué que j’étais si proche du sol. Je n’ai pas de peurs, je sais qui je suis. Le vent se lève, sa langue s’engouffre dans mon oreille et me chatouille. Ma vie se réveille, encore engourdie par son coma. Elle regarde l’heure. Il est déjà tard, il est déjà temps. Je souris, mon visage avait oublié cette forme. Mes commissures se défroissent, j’ai un pied au sol. Je n’ai pas oublié comment on marche mais je reste immobile. Je remplis mes poumons, je suis encore faible n’allons pas trop vite. Je déchire une étoffe de toile blanche et la pose au fond de ma poche. Un bout de drap pour ne pas oublier d’où je viens. Ce sommeil conscient. J’ouvre la fenêtre. Le vent tourbillonne. Je tends les doigts comme pour le saisir. Il s’enroule. Je ferme les poings et le serre. Il m’entraine.



PS: Bonne Année à tout mes lecteurs. Je vous souhaite le meilleur.