mardi 1 septembre 2009

Love as a coin flip, Part II

Nous étions à l’Antares, Chris et moi, une boite de nuit du coté de Meaux.
Nous étions arrivés tôt pour être surs de rentrer et petit à petit j’avais observé le bal des débutantes sur fond de parades nuptiales des paons autour. Tout ce petit monde qui jouait à se rapprocher, s’éloigner, se toucher, s’écarter, s’éviter, se lier, le tout comme des fourmis dans un reportage animalier. Semblant déambuler sans véritable but et pourtant œuvrant pour une cause commune, la survie de l’espèce. Car tout cela n’est rien d’autre qu’un trou d’insectes évolués qui apprennent les codes rudimentaires des relations humaines. Puis l’insecte mue en mammifère, car bien souvent les males tournent autour d’une seule femelle, éructants, narines ouvertes et torses bombés. Ils forment un cercle pour empêcher la fuite de la proie, attendent l’angle mort pour s’approcher et la saisir par les hanches comme pour lui intimer le futur accouplement. Elle se débat souvent, tournant la tète, écartant les bras, le male n’est pas dominant, c’est la femelle qui choisi, toujours. Elle filtre les phéromones. Et puis, il y en a une qui se laisse faire, lascive, elle colle son postérieur sur son male, et ondoie. Il suit ses vibrations corporelles, mimer ses mouvements en résonnance de leurs âmes, je suis ton double semble écrire leurs corps dans l’espace, le rythme de nos cœurs se cale sur celui qui ne fait pas de fausse note dans notre mélodie. Elle se retourne mais déjà ils savent, il doit raccourcir la distance, l’enivrer de son parfum car c’est a cet instant que son odeur est la plus corrosive, l’heure ou la différence se fait, avant que le balancier des poitrines n’agisse plus en pendule d’hypnotiseur, que le charme s’estompe et laisse place au réel. Il doit porter l’estocade. Il ne doit pas parler mais presque tous font l’erreur, les cognitifs qui s’ignorent veulent conclure par la voix, ceux qui ont l’instinct animal dévorent leur proie sans un mot à cet instant la, car qu’elle le veuille ou non sa tète n’a pas fait la connexion, son corps agira seul comme par magie…nous ne sommes rien de plus que des animaux. Des animaux évolués. Et ceux qui ont fait le choix d’utiliser leurs mots ont par cela reconnectés le cerveau de leur victime, ils n’ont plus qu’à faire confiance en leurs odds, cela n’est plus qu’une histoire de pile ou face.

J’ai passé tant de temps à écumer les boites de nuit de la région parisienne que je connais les codes comme un pianiste le solfège, ce n’est pas cette connaissance qui lui permet d’être bon mais elle lui trace la route. Et je me suis rendu compte que bien que je n’utilise jamais cette faculté, je savais avec une marge d’erreur maximale de 10%, en entrant dans une pièce au bout de 15mn qui était disponible, qui finirait avec qui, qui finirait avec n’importe qui, qui craquerait sans le savoir a la deuxième ou troisième tentative, défenses usées par l’érosion due aux attaques nuptiales, qui était triste, qui trichait,…Parfois je m’amusais a rêver que j’étais Dieu sur son nuage, contemplant les hommes qui pensaient jouer de leur libre arbitre, quelle mascarade ! A peine posent-ils le pied sur la piste que les jeux sont faits. Des pantins, nous ne sommes que des pantins évolués. Nos fils se croisent et se délient, nous font bouger la tète et les membres, des semblants de conversation fusent du bout de nos lèvres desséchés que seul le baiser de l’autre peut hydrater. Et la beauté de tout ca ? La beauté de cet insecte-animal-pantin qu’est le genre humain ? Il s’accroche a sa liberté de mouvement, se débat pour être surprenant, se hisse sur le fil porteur pour le couper et hurler au marionnettiste « je suis », il fonce dans le troupeau pour courtiser d’autres femelles voire d’autres males, se relève après ses échecs, s’enfuie de la fourmilière…Nous aspirons tant à notre liberté, nous aspirons tant a ne pas la vivre seuls, nous aspirons tant a être uniques, nous aspirons tant trouver notre miroir, cette maudite âme sœur, nous ne sommes que contradiction et par cela… Par cela, nous « sommes ».

Nous étions à l’Antares, Chris et moi. Il devait être deux heures du matin, je regardais du balcon les jeux de l’amour et du hasard sur la piste, tout ce marivaudage adolescent. Une main me pressa la fesse droite, je me retournais. C’était Valérie.
- Bonsoir TOI
- Wow ! Qu’est-ce que tu fais la ?
- La ? La, je te plote ton joli petit cul.

Sa main était toujours sur ma fesse droite. Elle me faisait un énorme sourire. Nous n’étions plus ensemble depuis quelques temps, je ne l’avais pas vue depuis presque qu’un mois mais on s’appelait souvent.
- Tu es sacrement loin de chez toi !
- Tu peux parler toi ! Monsieur je fais des kilomètres pour ne pas croiser des gens que je connais
-Arrête ! Je ne te fuis pas…
- De toutes les façons tu ne peux pas t’enfuir de moi, tu m’as pour la vie sur le dos

J’avais envie de la prendre dans mes bras, de lui dire qu’elle était folle et que sa folie me rendait fou mais cela ne servait a rien. Elle l’avait déjà compris, elle me prit la main.
Le monde me fatiguait, je connaissais le début de tout, la fin de tout. Je regardais un film et je désespérais de me sentir si désintéressé par sa trame, je désertais mes cours car tout était écris dans le bouquin, je déprimais d’une vie ou rien de neuf ne pouvait m’arriver. Je me languissais de chaos quand tout était en ordre et savait trop facilement rétablir l’ordre dans le chaos. J’étais en pleine introspection existencielle, mais elle, elle était impossible à prévoir. Elle était comme un anachronisme dans le scénario parfais de ma vie, comme une pierre dans la chaussure qu’on ne retire pas car la douleur qu’elle inflige nous rappelle qu’on ressent quelque chose, nous rappelle qu’on vit. Elle était la, a des kilomètres de chez elle, pour moi, ne sachant pas si j’y serais, comme si elle avait encore lancé une pièce de cinq Francs et m’avait encore gagné.

Et pourtant, quelques mois plus tôt.

La piste métallique circulaire du Kio tournait lentement au rythme des tubes du moment, un Cap’ Hollywood ou un Doc Alban, j’étais sur un canapé avec Valérie. Avachi par cette musique de masse. Il ne se passait rien, tout allait bien entre nous, elle était juste calmement collée sur mon bras. Il était trois heures du matin et DJ Boris coupa en plein milieu du morceau « All that she wants » et nous infligea un quart d’heure de slow. Je pris ma compagne par la main et avançait vers la piste, Toni Braxton criait son amour secret pour moi (mais ca, je suis le seul à le savoir) et nous faisions de petits cercles imparfaits sur la piste. Le DJ toujours aussi mauvais rata la transition vers le morceau suivant, les Boyz II Men en duo avec Mariah Carey, j’aimais beaucoup la mélodie. Tout était bien, tout était parfait. J’approchais mes lèvres de l’oreille de Valérie et lui dit :
- C’est notre dernier slow
- Quoi ?
- J’ai envie de finir sur celui la, comme ca tout est beau jusqu'à la fin, on ne garde que des beaux souvenirs
- C’est une blague ? T’es fou ?
- Non, je veux vraiment finir sur cet instant, c’est parfait
- Non mais t’es sérieux ! Qu’est ce qui se passe ? Qu’est ce que j’ai fait ?
- Rien…justement, on ne garde que de bons souvenirs, on évite tout ce qui rendra notre histoire comme celle des autres, un ramassis de photos jaunies par les larmes et le ressentiment… tu resteras a jamais comme…
- Arrête ! t’es débile…
- Non crois moi c’est mieux
- Putain mais t’es sérieux !!
Elle s’éloigna, je tentais de l’attraper par le bras, elle m’écarta et parti…fin du slow

Nous étions donc à l’Antares, Chris, Valérie et moi.
J’étais le chauffeur de Chris, elle nous invita à dormir chez elle. Chris dormis dans le salon, moi dans la chambre, une des nuits les plus sensuelles de mon existence, mains sur la bouche de Valérie pour éteindre ses cris. Elle nous réveilla vers midi avec les croissants à peine sortis du four de la boulangerie de ses parents. Et dans la voiture, sur le chemin du retour, Chris me dit :
- J’ai dormi comme une masse j’étais défoncé
Je ne sais pas si il me dit cela par pudeur pour me rassurer, m’indiquer de ne pas être gêné par ma nuit ou si c’était vrai.
- Pas moi, je viens juste de compliquer ma vie. Elle a quelqu’un…
- C’est mort pour lui! Je suis content quand je vous vois ensemble. Tout est bien.
- Quoi ?
- Je suis content pour toi.

Chris m’a toujours surpris par sa candeur. Parfois j’avais l’impression d’être avec un gamin totalement fleur bleu, d’un romantisme de série pour adolescente acnéique, mais c’est aussi pour cela que je l’adorais. Sa candeur faisait contre poids à la noirceur de ma vision du monde, a mon pessimisme sur les relations humaines. Il était l’optimiste que je ne pouvais pas être, la personne qui faisait confiance aux autres quand moi je n’étais que défiance et mépris, il était ma part d’humanité, la part en moi qui voulait encore rêver. Ce que certains comme Luc voyait comme de la naïveté chez lui était juste du positivisme poussé à l’extrême…Et si aujourd’hui nous avons grandis, si aujourd’hui la vie s’est chargé de bruler les ailes de ses élans altruistes, de raboter sa candeur, d’éroder ses illusions du monde. Il reste mon phare, la personne qui croit en moi quand même moi je n’y croit plus, un positif forcené. Je ne le remercierais jamais assez pour ça.

A cet instant dans la voiture, j’avais envie de lui dire qu’il se trompait, car je connaissais la suite. Que notre histoire était vouée a l’échec car j’avais cassé quelque chose sur cette piste de danse que rien ne pouvait recoller. Mais j’ai souris comme si je voulais y croire, sa bêtise m’avait contaminé, j’avais oublié le temps d’un trajet mes doutes.

Deux semaines plus tard, nous étions sur le parking de l’Antares, c’était mon anniversaire. Nous chantions accapella le tube de Shai ‘If I ever fall in love ‘ bouteille de champagne à la main, il y avait Daivy aussi. Et Valérie avec son nouvel ex depuis notre comeback surprise. Je regardais ce type et me dis qu’il était la raison de tout ca, sans lui, nous ne serions pas la ensemble. Il n’était qu’une pale imitation de moi, une copie défectueuse, j’avais de la peine pour lui et en même temps je voulais le détruire psychologiquement. Lui montrer, tout ce qu’il ne serait jamais. Je l’avais invité pour ca. Valérie compris et me stoppa, me demandant de ne pas être si vil et bas. J’avais déjà gagné…Ce sentiment en moi ce jour la, me révéla une partie de moi que j’avais jusque la ignorée…le coté obscur jeune Jedi, le coté obscur, prends garde…j’ignorais que Valérie allait révéler bien pire….

A SUIVRE :)