mercredi 9 mars 2011

Ce que je ne lui ai jamais dit

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Ce que je ne lui ai jamais dit, Emmanuelle

J’étais assis dans un coin de la pièce. J’attendais qu’elle dise quelque chose, je voulais qu’elle dise quelque chose. Mais elle resta sans rien dire laissant son hémorragie de lacrymales teinter ses cernes d’un rimmel ocre. Je voulais juste qu’elle hurle, je voulais juste qu’elle se batte, je voulais qu’elle me dise ce qu’elle avait sur le cœur. Mais elle était comme dépourvue de force vive.
Elle se serait battue pour moi, je l’aurais aimé encore plus. Je l’aurais aimé comme avant. Quand elle emplissait mon vide d’elle et que comme je n’étais que vide elle emplissait tout. J’avais tant besoin qu’elle s’occupe de moi, je me sentais tellement perdu, j’avais besoin que sa main me retienne. Mais rien. Elle s’est contenté de se demander ce qu’elle allait faire, elle s’est contenté de me dire que nous pouvions encore être heureux. Elle n’avait pas compris que la seule chose à sauver c’était moi. Et dieu sait qu’elle m’a fait mal en ne se rendant pas compte combien j’avais besoin d’elle, combien j’avais besoin qu’elle se batte pour moi. Il fut un temps où j’aurais vendu mon âme pour elle, et parfois je me demandais si ce n’était pas ce que j’avais fait pour l’avoir. Il fut un temps où j’aurais donné ma vie pour panser ses plaies et taire ses souffrances, et parfois je me suis demandé si ce n’était pas ce qui se passait en lente érosion de moi-même. Elle s’est blottie dans mes bras quand j’avais besoin de me blottir dans les siens.

Je n’étais pas l’homme idéal. Je m’étais renfermé sur moi-même jusqu’à ériger une barrière qu’elle n’a jamais su franchir. Je sais qu’elle le voulait mais elle n’a jamais essayé de forcer le passage. Je n’étais pas l’homme idéal. Je m’étais enfermé dans un monde où tous étaient des invités auxquels je délivrais de temps à autre des visas d’entrée, je ne faisais aucun effort. J’avais cessé de vouloir en faire mais elle me l’aurait demandé avec son cœur, je l’aurais fait enfin je le crois. J’avais baissé les bras sur tellement de choses, elle était censé être mon soutien et se cantonnait à être là, juste là. Elle ne me connaissait toujours pas. On s’est aimé à la folie mais on n’a pas su s’aimer. Chacun enfermé dans un sacrifice muet et égoïste pour l’autre, jusqu’à oublier ce que nous étions, ce que nous voulions. On ne s’est jamais battu et c’est ce qui nous a tués en fin de compte. Perdus à force d’avoir peur de se perdre.

Ce que je ne lui ai jamais dit, Lena

Elle était assise dans un coin de la pièce. Elle attendait que je dise quelque chose, elle voulait que je dise quelque chose. Mais je restais sans rien dire laissant son hémorragie de lacrymales teinter ses cernes d’un rimmel ocre. Son cœur avait comme implosé. Un torrent coulait sur ses joues rougies, sur ses lèvres charnues et tombaient déjà sur sa poitrine. Elle n’arrivait pas à parler, elle avait comme des spasmes de panique. Elle prenait ses affaires pour partir. Je ne la retenais pas, il était 3h du matin, il n’y avait plus de trains. Un fois dans le couloir, elle arriva à murmurer une phrase. Tout ça pour une photo dans mon appareil. Je ne comprenais pas très bien cette envolée dramatique pour quelque chose qui ne représentait rien, j’étais amusé au lieu d’être inquiet. Je ne pus m’empêcher de rire. Elle arrêta de pleurer et demeurait plantée au milieu du couloir. Je revins sur mes pas, jusqu’à la chambre. J’avais passé presqu’une décade avec une file qui était d’une grande douceur en toute circonstance et je me trouvais face à un volcan déversant lave et explosions au moindre mouvement sur les plaques tectoniques de notre relation. Je n’étais pas habitué à cela et la seule certitude de l’instant était que ce n’était pas la bonne attitude à tenir avec moi. Rien ne m’affectait, j’étais totalement détaché de cette éruption nocturne, vide de tout sentiment à cet égard. Elle passa une demi-heure à tourner en rond puis franchis le pas de la porte de la chambre. Elle baragouina quelques mots en anglais avec son accent de l’est, je la pris dans mes bras.
Elle était l’opposé de tout ce que j’avais connu. Passionnée, impulsive, décidée, intéressée par les arts, dynamique, positive et extravertie sexuellement. Elle était comme une révolution dans ma vie, une tempête dans mon monde lisse et ordonné. Un jour à St Petersburg, alors qu’elle me connaissait a peine elle m’avait dit une phrase que personne n’avait jamais dite : Je crois en toi, tu peux tout réussir. J’étais surpris et incrédule, mais le pire était qu’elle le pensait vraiment. En dépit de nos problèmes de communication, des difficultés à se comprendre, de notre éloignement culturel et social, et sa propension à être émotionnellement semblable a de la nitroglycérine elle m’a toujours dit les mots que j’attendais et même quand je ne voulais pas les entendre.

Ses sanglots disparaissaient peu à peu, son sourire naissait comme un soleil du petit matin, flirtant avec les restes de la nuit, les restes de la crise. Nous nous endormîmes entrelacés, au réveil elle me dit : je ne veux pas être avec quelqu’un d’autre que toi mais je peux, toi tu ne peux pas être avec quelqu’un d’autre que moi mais tu veux. Tu fais tout pour être triste, tu es maso et moi aussi car je t’aime.
Je fis celui qui n’avait pas compris, elle ne répéta pas. Je la conduisis à l’aéroport 2 jours plus tard, et seul sur le parking je ressentis un vide immense. Son séjour avait drainé toutes mes forces physiques par nos ébats et mes forces psychologiques par nos combats. Une larme coula sur mon visage et m’énerva. Je hurlais dans la voiture jusqu’à perdre la voix. Et la gorge irritée, ayant expulsé toute ma haine envers moi-même, je repris ma vie.

Ce que je ne lui ai jamais dit, MelaMel

Nous étions assis dans un coin de la pièce. Le spectacle était fini, tout le monde se levait. Elle critiqua l’artiste avec raison, il n’avait pas semblé faire grand effort pour nous contenter. Elle était déçue. Je m’en foutais, cette soirée n’était qu’un prétexte pour la rencontrer. Après des semaines rythmées par nos échanges sms, je ne pensais qu’à elle et à ce moment-là. Je touchais son dos dans la foule qui se dirigeait vers la sortie, j’étais comme un gosse posant sa main pour la première fois sur un nouveau jouet, je souriais. Une fois hors de l’Olympia, je lui proposais d’aller prendre un verre mais elle déclina. Elle était fatiguée, il était dimanche et la semaine ne devait commencer par une veillée nocturne. J’étais déçu, j’acquiesçais néanmoins. Je lui envoyais un message une fois dans ma voiture et assis dans le noir attendait sa réponse. Quand le téléphone émis son bip annonçant un message mon cœur chavirait en adolescente prépubère, je ne remarquais même pas qu’une heure s’était écoulée depuis mon texto. Je n’imaginais pas ne jamais la revoir.
Quelques semaines plus tôt…

Emmanuelle fermait la porte avec dans les mains son dernier carton. J’étais mal. Je me retrouvais avec une pile de CD à trier comme dernier vestige d’une vie que j’avais détruite. Les cendres de notre amour étaient gravées sur disques numériques, ces chansons que nous écoutions à deux, ses titres qui avaient rythmés nos rêves et nos réels. J’avais envie de m’enfuir, j’étouffais. Mon téléphone vibra, c’était Mela. On se mit à discuter pendant une bonne heure via sms. Je n’étais pas seul. On riait, on se racontait tout et rien à la fois, la seule chose qui comptait à ce moment-là était de ne pas penser à ce qui se passait dans ma vie. Cette fille que je ne connaissais pas était devenue importante, vitale. Nous étions devenus accros aux vibrations de nos cellulaires annonçant un mot de l’autre, je ne m’en séparais jamais. Nous étions connectés du réveil au coucher, liés.
Tout cela avait commencé par hasard, une erreur Facebook. Je n’étais pas la bonne personne qu’elle demandait en ami, mon message pour lui demander comment elle était passée d’un homonyme blanc à un noir avait été drôle et singulier. Nous avions continués à nous raconter nos vies, alors que nous ne nous connaissions pas, elle l’anthropologue sociologue et moi l’écrivain raté camouflé dans un costume d’informaticien rebelle. Un couple étrange d’inconnus, liés par un aléa imprévu comme si ils s’étaient toujours connus. Et dans cette période effroyable de ma vie, elle fut ma seule amie.
Un midi apprenant qu’elle était aux urgences je quittais mon travail et me retrouvais à l’hôpital de St Germain en Laye, sans savoir à quoi elle ressemblait (outre cette photo de profil Facebook), sans savoir si elle était vraiment la et toujours là. J’attendais tranquillement en salle d’attente des urgences. Elle m’envoya un message pour me dire que tout allait bien, je lui demandais ou elle était…je n’étais pas dans le bon hôpital, elle était à Poissy. J’attendais depuis une heure. Je me mis à rire. Sur le banc Georges Eddie qui accompagnait sa femme me regardait avec suspicion du long de ses deux mètres, j’avais presque envie de lui dire que sa voix avait hanté mon enfance lors des matches de Jordan mais je m’éclipsais pour respecter tous ces gens en souffrance dans cette salle d’urgence.
Je voulais enfin rencontrer Meli. L’occasion arriva finalement, un concert. Dans la foule devant la salle, je la reconnu immédiatement dans sa longue robe noire, j’étais ultra nerveux. Je n’avais pas eu de rencart de ce type depuis 8 ans. Je ne savais pas comment on faisait. Elle me sourit et tous alla bien. Elle était belle. Quelques jours après le concert, nos messages devinrent moins séquentiels et successifs, la magie était retombée. Elle m’expliqua avoir retrouvé son amour d’enfance par hasard. J’étais heureux pour elle, elle avait été comme une fée sur ma vie, me protégeant de ma solitude au moment où j’en avais eu le plus besoin. Je ne regrettai qu’une seule chose, ne pas lui avoir dit : Merci.

Un soir je lui envoyais un mail pour savoir comment allait sa vie, elle me dit qu’elle attendait que je lui réserve une ligne dans ce blog avec anxiété. J’ai mis le temps Mela, mais tu sais comme moi que le temps n’a pas d’importance pour les gens comme moi

3 commentaires:

  1. putain t'as vu George Eddie??

    Le poulet

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  2. Quand j'ai lu le commentaire, un seul nom s'est imposé à moi: le POULET !!!

    Big Sam

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  3. comme tous les soirs je pense à toi
    je me demande ce que je fous là
    seule dans ce grand foutoir
    comme tous les soirs je pense à toi
    mais vas tu renter tard
    comme tous les soirs je ne sais pas
    d'ailleurs chaque soirs qui passe
    est un soir qui nous sépare

    comme tous les soirs je perds la face
    c'est vraiment plus fort que moi
    quand tu arrives je ne laisse trace
    de cette haine que j'ai en moi
    mais vas tu me le dire en face
    combien tu l'aimes cette fille là
    combien tu aimes quand elle t'enlace
    combien moi tu ne m'aimes pas

    comme tous les soirs je fais semblant
    de ne pas voir sur ton visage
    que tu la sens quand tu me sens
    que tu la vois quand tu voyages
    je fais semblant de ne pas entendre
    quand tu l'appelles dans ton sommeil
    je fais semblant de ne pas comprendre
    je fais semblant d'être la même

    comme tous les soirs j'irais dormir
    dans ce grand lit ou tu n'es pas
    comme tous les soirs j'irais mourir
    pour ressusciter dans tes bras
    pourquoi je t'aime plus que je ne m'aime
    et pourquoi toi tu ne m'aimes pas
    comme tous les soirs je reste quand même
    et si toi tu ne rentrais pas

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