vendredi 3 septembre 2010

Love as a coin flip, Part IV (end)

Heimdall me laissa passer, il bougea à peine. Il avait pris l’habitude de me voir errer sur le Bifrost, hésitant à franchir les portes. De temps à autres quand l’ennui l’asphyxiait, quand la solitude le gagnait, il desserrait les dents et me lançait sa boutade favorite: ‘Ratatosk que fais-tu en céans?’. Je souriais alors et il posait sa main sur mon dos répétant inlassablement le même avertissement ‘Prends garde aux Nornes, parfois il ne vaut mieux ne pas titiller les trames de Wyrd’…
Mais cette fois, il était immobile, il savait déjà sans doute qu’il était trop tard et qu’une fois passé la caverne de Gnipa, je serais en Hel, dans l’étreinte de ma valkyrie.
Parfois, sur le chemin, je faisais mine de m’arrêter prendre un verre chez Baldr et me rendais au puits d’Urd. Elles étaient la. Urd qui savait ce qu’il était arrivé ricanait, se faisant reprendre par Verandi qui voyait ma douleur présente tandis que Skuld, mon destin futur possible en mains répondait déjà à la question que j’allais lui poser. Je savais que les Nornes n’approuvaient pas mon union avec la valkyrie. Je savais, qu’elles, qui savaient tout, avaient lu que notre histoire finirait en cris et larmes. Mais, refusant le déterminisme de notre Wyrd, je me gageais de changer la fin de l’histoire. Et chaque fois, je leur demandais si le futur avait été modifié par mes actes.
Cette fois la, Skuld leva la tête et paru surprise.
- Que se passe-t-il ?
- Je…je…impossible !
- Réponds moi je t’en conjure…
- Tu ….vas lui donner ta bénédiction et elle partira…

Je souriais. J’avais changé le destin. Bien sur, il était trop tôt pour savoir si la trame serait heureuse, mais j’avais infléchit le cours des choses, fait dévier les planètes de leur axes, à force d’acharnement et d’erreurs. Urd pris le fil de mon existence passée, le roula autour de son index et me le lança entre les mains. Un flux brutal de souvenir affluait en moi, sans liens, des images oubliés se chevauchaient, se liaient et se déliaient dans les méandres d’un questionnement fondamental, tout-est-il écrit ou tout est-il a écrire ? J’entendais le rire d’Urd au loin comme le chant d’un corbeau, la danse mortuaire d’une hyène devant la carcasse encore chaude de ce qui restait de mon intimité. Je retournais sur Midgard sous ma forme humaine dans un patchwork de souvenirs décousus.


Souvenirs

Cela faisait plusieurs jours que je pensais à ça. Mais pourquoi donc avais-je dit oui ? Quelle situation ubuesque ! Valérie m’avait demandé d’être son témoin à son mariage. Quand elle avait posé la question, j’avais répondu ‘oui’, presque machinalement comme une évidence. J’étais honoré d’avoir été choisi pour l’être. Je devais juste rentrer chez moi et annoncer la bonne nouvelle à ma compagne avec le sourire de rigueur, mon regard persuasif le plus profond, l’air naïf d’être totalement open avec la situation et affuté comme une plaque Tefal ou rien n’accroche.
Emmanuelle ne compris pas vraiment pourquoi j’avais dit oui, mais il faut dire que je n’avais pas de réponse. Ca me paraissait juste normal. Elle voulait juste savoir si elle était invitée, elle n’avait pas aimé mais n’avait rien dit. Elle allait enfin rencontrer la fille qui m’envoyait des calendriers Kinder à chaque Noel et des œufs en chocolat pour Pâques...

Souvenir...
J’étouffe à l’intérieur, je sors un peu. Je regarde les adolescents se chamailler, je les envie, j’aimerais retourner au temps de l’insouciance, des besoins futiles indispensables, des sentiments exacerbés. Un des gamins me sourit, on a tant de choses à se dire mais pour ce soir, ce simple sourire suffira, sa mère à l’intérieur se marie pour la seconde fois. Un jour il m’avait dit qu’il pensait que ce serait avec moi et en cruel prêtre de Delphes je lui avais dit non.
Quelle corvée ce mariage ! Je n’avais pas envie d’être la, j’avais failli me décommander dix fois, trouver des excuses incroyables mais je ne me voyais pas me défiler. Je regarde par la fenêtre, les gens dinent, ils ont l’air de s’amuser. Moi, j’ai passé ma journée à expliquer qui j’étais aux gens autour : "Moi, je suis….heu…bonne question, le témoin !". Certains me connaissent, sa famille, certains amis, Mélanie que je vois avec son compagnon rural, sans elle tout cela ne serait jamais arrivé, ca me donne envie de la torturer. Je regarde par la fenêtre et je vois Emmanuelle perdue au milieu de tout cela. Je me demande ce qu’elle pense de tout ca, j’imagine qu’elle a envie de partir en courant. Elle tourne la tète, me voit, sourit. A cet instant, pour elle je donnerais ma vie.

Souvenir...
Il fait nuit sur Champeaux. Je ne sais pas trop ce que je fous la, au milieu de rien, en Seine et Marne. Je monte un escalier, elle me précède et fait rouler ses hanches. Je ne regarde pas, je me suis déjà fait avoir par ce coup la. Je m’assois sur le canapé, elle se met sur un tabouret. On discute un moment. Un type entre, il a un regard malin, il sait qui je suis mais est détendu, ses pensées sont claires, saines. Je la regarde et je sais. Je sais qu’il va l’emporter, qu’elle va s’envoler, je la regarde et quand je me lève pour lui dire au revoir j’ai décidé que ce serait la dernière fois que l’on se verrai. Mon départ comme un cadeau, la possibilité de pouvoir être heureuse, de vivre sa vie rêvée. Je serre la main de cet homme, je lui passe le témoin. Adieu Valérie.
Les années passent. Les filles défilent dans ma vie, des amies comme Frédérique, des amantes comme Leila, des compagnes d’une nuit comme Héloïse, des rêves comme Deborah, des passions comme Maryline. Puis l’amour, Emmanuelle. Les années passent encore, et puis un soir je reçois une lettre bleue écrite à l’encre noire. Elle est signée par Valerie, elle m’a retrouvé. Deux ans plus tard, nous nous ne sommes revus qu’une fois mais elle me demande d’être son témoin, je dis oui.

Souvenir...
Notre première fois, c’était le début de l’hiver, nous sortions de soirée. Je montais les escaliers, elle me précédait et faisait rouler ses hanches. J’étais comme hypnotisé par le va et vient. Elle me prenait par la main, me conduisait dans sa chambre. Il y avait un martelât à même le sol. La pièce était très froide, elle m’asseyait et sans me retirer le haut dénoua ma ceinture. Je fis un mouvement de recul quand la boucle me toucha le ventre, elle était congelée. Elle dû croire que ce fut a cause d’elle et souris, retira ma montre et mes lunettes, m’embrassa le long du cou. Et allongé, nu, je frissonnais à chacun de ses doigts glacés sur mon corps brulant. Pire, la chaine autour de son cou, me faisait me tordre dans tous les sens quand elle me frôlait. Elle devait me prendre pour un hyper sensible, j’avais toute la peau en érection, elle sur moi et ce pendentif gelé qui me rendait fou. Il semble que nos corps se sont souvenus de cette nuit durant toute notre relation, du bruit de cette montre qui se dégrafe à l’étalement des ses cheveux sur l’oreiller. De ses croissants au réveil, de cette façon de me tenir les mains pour les regarder et cette cigarette de rage quand je partais.

Souvenir...
Je n’ai plus de nouvelles depuis des mois, elle me manque. Il me manque quelqu’un a qui parler, j’ai croisé une fille au sourire surréaliste, plus tard, bien plus tard je saurais qu’elle se nomme Déborah. Elle ne m’a pas remarqué. Je n’étais qu’un parmi tant d’autres autour, et quand la nuit s’est achevé, quand je n’ai pas eut le courage d’aller lui parler, elle est partie avec un autre. C’était hier, et depuis je ne pense qu’a Valerie. A ma place, elle y serait allée, elle. Elle aurait affronté les regards, la possibilité de l’échec et aurait atteint son but. Elle, elle l’aurait eut. J’ai pris le micro, j’ai lancé le sample et me suis mis à raper en impro:

Il fait si chaud aujourd’hui, trop chaud pour un enterrement
Pourtant j’enterre ma raison tu me manques tant
Tant de temps et passé et pourtant je ressens encore l’empreinte de ton corps

Prisonnier du souvenir, c’est avec moi que tu voulais vieillir
Mais ton amour trop fort m’a fait te fuir

Tu sais, plus rien n’est comme avant, même les sirènes ne m’envoutent plus de leurs chants
Blasé de tout, mon âge défile comme le vent et j’ai peine a m’imaginer dans dix ans
J’écoute toujours les vieux slows d’R Kelly mais je n’ai plus personne à aimer sur SexMe
Overdose, même le sexe ne me satisfait plus
On a passé tant de nuits à danser qu’on n’a pas vu le temps passer

Tu me manques encore plus que je ne me manque à moi-même
A chacun son collier de peines, j’ai tant fermé les yeux, tourné la tête quand tu disais je t’aime


Souvenir...
Je suis sur le quai de la gare, j’attends ce train qui est encore en retard. Le téléphone sonne. Valerie est dans sa voiture a des kilomètres de la.
- Je suis devant chez mon psy
- Ca va ?
- Ca fait des mois que je suis en thérapie…
- Et…
- Je ne lui ai jamais parlé de toi
- Tu triches, ce n’est pas nouveau. Apres toi c’est lui qui finira en thérapie
Rires.
- Comment vas-tu ? tu ne m’as pas répondu…
- Bien…
- Oui, comment vas-tu ?
- Bien je te dis
- Ok mais comment vas-tu ?
- Comme une fille qui va chez son psy sachant très bien ce qui ne va pas.
- Et…
- Je suis pas heureuse. Tu me manques
- Mon train arrive, je te laisse…
Rires.
- Arrête, tu as un mari génial, un gamin qui…heu…bon on oublie le gamin. Tout va bien non ?
- Oui, c’est vrai j’ai un mari génial, j’ai ma maison, de l’argent, des amis…je suis juste vide.... sinon ! toi ca va ?
- …oui, tout va bien.
Le train arrive. Je le prends, on raccroche. Je rentre chez moi. Emmanuelle dors dans le salon, j’ai envie de la réveiller. De lui parler. Je remets la couverture sur ses pieds. Je rentre dans mon bureau, allume l’ordinateur et lance Football Manager. Je ne pense plus à rien, je regarde des ronds bleus courir autour d’un rond blanc poursuivis par des ronds rouges tandis qu’un texte en dessous s’enflamme à coup de « Poteau !!! La frappe de York vient de heurter le montant droit de Seaman. Arsenal tient encore dans ces dernières minutes du match ». Il est 22h, la porte du bureau s’ouvre, Emmanuelle se frotte les yeux.
- Pourquoi tu ne m’as pas réveillée ?
- Tu dormais comme un bébé…après je n’ai pas vu l’heure

Souvenir...Mercredi, 1er Septembre 2010
Valerie me Ping sur Facebook. On discute de nos vies. On a vieillit, on constate que nos rêves ne se sont pas réalisés, elle me demande comment on fait pour savoir qu’on a fait les bons choix. Nos choix ont été ce qu’ils ont étés, ils nous ont construits, je les regrette tous et n’en regrette aucun. Je suis un puzzle, certaines de mes pièces ne s’emboîtent pas avec les autres. Certaines autres pièces ont été égarés je ne sais où. Mais ce puzzle complet, même si je n’en connais pas l’image finale est fait de parts de mon cœur. Il m’a guidé toute ma vie au détriment de ma raison et des fils des Nornes, je suis comme cette pièce de 5Francs, je tombe du coté cœur.


END


PS: Pardon pour ses semaines, mois sans nouvelles. Ce blog tout comme moi est un Phénix, il renaitra toujours quand il aura fini de se consumer

2 commentaires:

  1. "je suis comme cette pièce de 5F, je tombe du côté coeur"
    le phénix se fait rare mais sa prose est toujours aussi agréable à lire
    take care man
    rod

    RépondreSupprimer
  2. Pense à moi comme superviseur editorial lorsque tu publieras tes memoires d'over-tombe.

    le poulet Pivot

    RépondreSupprimer